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Tribune d'expression des groupes politiques de la Région Nouvelle-Aquitaine

« Un budget n’est pas qu’affaire de chiffres, la crédibilité de l’action publique est en jeu »

Au cours de la séance plénière, Christian Devèze est intervenu pour regretter le calendrier budgétaire régional qui ne permettra pas de réaliser les nouvelles dépenses annoncées. Or, les annonces qui ne sont pas suivies d’effets affaiblissent la crédibilité de l’action publique.

Aussi, le maire de Cambo-les-Bains a relevé que ce budget supplémentaire s’inscrivait uniquement dans la continuité du budget primitif adopté en début d’année et qu’il ne serait pas en mesure de porter des ambitions supplémentaires.


Retrouvez l’intégralité de l’intervention de Christian Devèze en séance (seul le prononcé fait foi) :

 

Monsieur le Président, Madame la Vice-présidente, mes chers collègues.
Dans un essai de compréhension du budget supplémentaire qui nous est proposé, je souhaiterais une réflexion partagée en ouverture de mon propos. En effet, comme l’année dernière, je m’interroge vraiment sur l’opportunité de voter un budget supplémentaire pour une collectivité deux mois – ou un peu plus – seulement avant la fin de l’année budgétaire. Par rapport à l’intervention de mon collègue, ou plutôt du maire de Bordeaux que vous sollicitiez tout à l’heure, effectivement la reprise des résultats ne peut pas s’opérer par le biais d’une décision modificative, mais bien par un budget supplémentaire. Mais précisément, tarder à intégrer ces résultats pour l’exercice 2021 dans le budget 2022 contraint à ne pas avoir matériellement la possibilité de réaliser une grande partie des dépenses proposées dans le cadre de ce budget supplémentaire.
Autrement dit, le vote d’un budget supplémentaire courant octobre – je l’avais dit l’année dernière, je le réitère – revient à se priver de la capacité de réaliser réellement des dépenses, en particulier en matière d’investissement, qui auraient pu l’être si le calendrier budgétaire était plus cohérent.
Vous venez de le dire, Monsieur le Président, je ne vais pas plagier votre propos à l’instant .Lors de mon intervention sur le budget supplémentaire de 2021, j’avais donc déjà signalé cette anomalie. Un budget supplémentaire doit être l’occasion de renforcer le budget primitif dans une conjoncture économique – vous l’avez dit ce matin – qui le nécessite. C’est même l’essentiel de la motivation du Législateur quand il s’est agi d’instaurer cette possibilité. En amont de ce budget supplémentaire, il aurait peut-être été utile de s’interroger sur la nécessaire réorientation de certains choix de la politique régionale au regard de l’évolution du contexte économique et financier.
Depuis juin dernier, nous connaissons les résultats de 2021. Ces derniers auraient donc pu être intégrés plus tôt dans ce budget 2021. Dans les faits, ce sont pour moi quatre mois de perdus et vous n’avez plus que deux mois pour agir. Ainsi, je pense qu’il aurait pu être envisagé de revoir la temporalité du calendrier budgétaire de la Région et de faire en sorte qu’au terme du premier semestre de l’année, le budget intègre les résultats de l’année précédente. Mais voter des dépenses d’investissement dans un budget supplémentaire a au moins la vertu —oui, Monsieur le Président – de permettre de les annoncer une première fois, en sachant que concrètement, c’est vrai, la majeure partie ne sera pas réalisée et que les crédits de paiement seront à nouveau inscrits dans le budget primitif 2023. Cela revient donc à faire deux fois l’annonce d’une même dépense.
Oui, c’est un fait : la collectivité régionale doit s’adapter à la situation économique délicate et évolutive que nous traversons. Vous avez décidé d’inscrire 112 millions d’€ supplémentaires en crédit de paiement pour faire face à une situation économique, certes, de tension. C’est une somme importante, mais elle reste à relativiser face aux montants très importants votés au budget supplémentaire 2021 – 490 millions d’€ – et face au budget supplémentaire 2020 et à la DM qui a suivi de 262 millions d’€. 72 millions d’€ affectés à la jeunesse : c’est une part colossale que vous y consacrez. J’y reviendrai plus tard dans mon propos, parce qu’il y a là, me semble-t-il – et je le crains -, une ambition forte sur le papier que nous pourrions bien sûr soutenir sur le principe, mais qui risque de se heurter aux réalités calendaires que j’évoquais juste à l’instant. Nous avons tendance à nous borner à une analyse de chiffres. J’ai peut-être cette déformation professionnelle, mais n’oublions pas que derrière, c’est bien la réalisation ou non de l’action publique qui est en jeu. Il en va de la clarté et du sérieux des engagements que nous prenons devant nos concitoyens.

Je commencerai donc par dire un mot sur ce pilier 2, qui me paraît tout à fait illustrer le décalage entre les annonces qui nous ont été faites aujourd’hui et ce qui sera la réalité, je le crains, plus tard.
Vous l’avez dit, vous l’avez précisé : non pas 70, mais peut-être 72 millions de crédit de paiement à deux mois de la clôture, dont 33,8 en APCP et 38,2 millions en AECP. C’est une forte ambition, mais qu’il faudra déployer en trop peu de temps. Il y a des dépenses qui, nous le savons, seront bien exécutées : je pense notamment aux factures d’énergie. Pour le reste, j’émets des réserves, mais l’avenir nous le dira. Donnons-nous rendez-vous pour cela au compte administratif. Vous ouvrez également un peu plus de 20 millions d’AP supplémentaires. Encore une fois, pourquoi maintenant ? Être à l’écoute de la jeunesse n’est pas surdimensionner des annonces budgétaires sans certitude que la réalisation sera totale derrière. Cette attitude peut même se révéler très contre-productive à l’égard d’un secteur générationnel déjà très méfiant à l’endroit des engagements politiques dans leur ensemble.

Sur le pilier n°3 auquel, vous le savez, notre groupe attache une importance particulière et sur lequel nous portons un regard tout particulier, les dimensions ne sont en effet pas les mêmes ; cependant, c’est ici que votre présentation par piliers sert bien vos desseins, puisqu’aucune dépense nouvelle à proprement parler ne concerne l’aménagement du territoire, hors transport stricto sensu. Vous annulez un certain nombre de dépenses sur les quartiers « politique la ville » avec un montant non négligeable qui interpelle, soit 1,2 million d’AP, 1 million en APCP, et cela pour des lignes concernant le développement économique de ces zones vulnérables. Conséquences d’une politique qui n’a pas trouvé de pertinence suffisante sur le terrain, ou choix budgétaires infiniment plus froids, pour ne pas dire drastiques.
Toujours sur ce pilier, nous constatons des annulations de l’ordre de 1,75 million d’€ sur des dispositifs de droit commun, sous le prétexte très discutable qu’ils ont été moins sollicités par les TPE/PME sur nos territoires. Au regard du contexte et des difficultés du moment, cela interroge pour le moins. Nos administrés ont plus que jamais besoin d’être accompagnés pour, d’abord, connaître les disponibilités dont ils ont de plus en plus de mal à se saisir, et la complexité. N’est-il pas plutôt de notre responsabilité que d’aider à leur compréhension et à leur accessibilité ? On en a déjà parlé l’année dernière. Il n’est pas question ici de remettre en cause les bonnes intentions de ces dispositifs, mais nous pensons qu’il est vraiment temps d’ouvrir le débat sur la communication efficace et cibler sur ces mesures qui souffrent beaucoup plus de l’ignorance de leur existence par leurs bénéficiaires potentiels que de leur désintérêt.

Sur le pilier n°4, vous reportez des mesures dans le temps, comme le volet littoral du Plan zéro pollution plastique. Il doit y avoir une raison organisationnelle, certes, que nous respectons, mais il y a urgence à agir en la matière et nous serons attentifs aux annonces budgétaires sur ces deux volets dont les garanties n’apparaissent pas clairement aujourd’hui.
Sur le volet énergie de ce pilier, ce sont 6,9 millions d’annulation d’AP, 1,9 million d’AE et 2,67 millions de CP. Ce ne sont pas de petites sommes et je crains que ce ne soit encore pour des raisons de connexions efficaces entre notre collectivité et le terrain, sur des thématiques pourtant brûlantes d’actualité. Je le répète : le compte administratif nous instruira dans le respect de ces engagements.

Ces remarques faites sur l’analyse de nos piliers budgétaires, je souhaiterais désormais dire quelques mots sur des éléments d’ordre plus général, en m’attardant d’abord sur un élément important de ce budget supplémentaire, à savoir les nouvelles recettes. Le dynamisme confirmé de la TVA n’est pas forcément mis en évidence dans votre document de présentation, mais comment ne pas souligner l’impact des 72 millions d’€ sur les recettes supplémentaires ? Cela confirme que ce choix a eu du bon pour notre collectivité. Il l’a également été pour l’ensemble des Régions, et vous le savez. Vous mettez cela sur le compte d’un effet de rattrapage économique ; mon interprétation tout à fait personnelle, sensiblement différente, vient plutôt saluer les conséquences positives de la politique de Bercy. Vous avez parlé du ministère de l’Intérieur tout à l’heure en la matière

M. LE PRÉSIDENT. – Pardon, je vous coupe 30 secondes. Excusez-moi, je ne devrais pas le faire. Vous ne m’avez pas écouté tout à l’heure. La décision de transformer la dotation en TVA était sous le Gouvernement de Manuel VALLS. Cela n’a rien à voir avec la majorité que vous soutenez.
M. DEVEZE. – Je n’ai pas parlé de la majorité, j’ai parlé de Bercy et du ministère de l’Intérieur, Monsieur le Président.
M. LE PRÉSIDENT. – Ni Bercy. Il a fallu leur tordre le bras.
M. DEVEZE. – Cela ne vous aura sans doute pas échappé, mais 72 millions d’€, cela correspond précisément aux nouveaux engagements pris pour votre pilier n°2, jeunesse. Je  ne peux m’empêcher de me demander si ce mécanisme n’est pas en fait un des vrais ressorts des 72 millions annoncés pour les deux mois qui viennent.
Je me contenterai donc de dire qu’il s’agit d’un ordre de grandeur non négligeable pour mesurer l’importance des recettes. Jean DIONIS DU SÉJOUR – je regrette qu’il ne soit pas présent – vous dirait sans doute, un brin taquin, que cela revient tout de même à l’équivalent
d’une MECA.
Par ailleurs, l’État a corrigé la trajectoire financière de la Région lors de l’adoption du projet de loi de finances rectificative 2022 du mois de juillet : 7,2 millions d’€ d’ajustement de compensation sous forme de TICPE et ce, pour valoriser la rémunération des stagiaires de la
formation ; 4,56 millions d’€ de participation revalorisée dans le cadre du Ségur de la santé, et 1 million d’€ de l’Agence nationale de sécurité des systèmes d’information informatiques en Nouvelle-Aquitaine.
On en voudrait toujours plus, mais il faut tout de même rappeler que l’on arrive à un peu plus de 80 millions de recettes nouvelles. Enfin, quelques mots sur la stratégie d’emprunt : je vous rassure, je ne vais pas solliciter la contraction de nouveaux emprunts, même si – j’ai compris la démonstration qui a été exposée précédemment – dans une situation où les taux d’emprunt étaient faibles, il y avait peut-être une opportunité en la matière. J’aimerais revenir sur la hausse des dépenses sur laquelle je vous avais alerté en Commission des finances, il y a maintenant quelques mois.
Naïvement, certes, en lisant la structuration de la dette de la collectivité, je vous avais interrogé sur la sécurisation des emprunts à taux variable. La question était simple : capé ou pas capé ? On pouvait déjà alors craindre cette hausse des taux directeurs et c’est bien ce contexte déjà pesant qui m’avait poussé à vous poser cette question. J’avais des inquiétudes qui se sont révélées légitimes sur ce point. Résultat, Sandrine DERVILLE l’a rappelé, 5,39 millions d’€ de dépenses supplémentaires pour payer les intérêts de la dette, et branlebas de combat pour sécuriser tout cela !
Vous limitez la casse parce que vos services ont tout de même rectifié le tir – je le concède – rapidement, et vous pouvez les féliciter. Mais ma question n’était – vous l’admettrez – peut- être pas aussi naïve que cela. J’en profite pour remercier notre Vice-présidente Sandrine DERVILLE, ainsi que Monsieur LARUE pour la présentation qui nous a été faite en Commission de finances sur ce sujet. C’est un élément de transparence qui a été très utile, au regard du contexte qui nous avait alerté, et je vous en remercie très sincèrement.
Alors, me direz-vous, le verdict ? Vous vous en doutez, ce budget supplémentaire n’emporte pas forcément l’adhésion de notre groupe, car il s’inscrit totalement et seulement dans les orientations prises au budget primitif 2022 que nous n’avions déjà pas votées, et parce qu’il risque très clairement de ne pas se traduire dans les résultats pour les Néo- Aquitains d’ici la fin de l’année dans un contexte compliqué.

Je vous remercie pour votre attention