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Tribune d'expression des groupes politiques de la Région Nouvelle-Aquitaine

« Un budget de continuité, sans orientation nouvelle ni projet d’avenir »

Ce matin, le Conseil régional examinait le projet de budget primitif 2022. Geneviève Darrieussecq, présidente du groupe Centre et Indépendants, est intervenue pour regretter le manque d’ambition de la copie régionale.

Qualifié de « budget de transition » par l’exécutif, ce budget est en réalité un budget de continuité sans orientation nouvelle ni projet nouveau. Sur le développement économique, par exemple, aucune structuration de projet d’avenir, ni sur la santé, ni sur la robotique, ni sur l’industrie. Sur l’aménagement du territoire également, trop peu d’ambitions, un horizon trop lointain sur le très haut débit, un flou sur la politique contractuelle et des routes complètement délaissées.


Retrouvez l’intégralité de l’intervention de Geneviève Darrieussecq en séance (seul le prononcé fait foi) :

Monsieur le Président,
Mes chers collègues,

Après la lecture des 258 pages de présentation par pilier et autant de pages de maquettes budgétaires par chapitre, permettez- moi d’abord de remercier Madame DERVILLE, notre Vice-Présidente, et les Services car je mesure la somme de travail effectué.

Cette lecture m’a quand même rassurée sur les recettes, et je dois dire que vous étiez inquiet sur – que n’ai-je entendu – la transformation de la CVAE par de la TVA, une fraction de TVA, eh bien, il y a sur cette seule fraction de TVA-CVAE une augmentation de 43 M€, et je pense vraiment que nous aurions eu des chiffres beaucoup plus compliqués pour effectuer le budget si la CVAE avait été conservée, et de manière générale, les recettes des régions devraient bondir cette année d’un peu plus de 800 M€. Ce qui est tout de même important.

La Région, bien sûr – vous l’avez dit, Madame la Vice-Présidente – bénéficie par ailleurs d’une importante progression des fonds européens, et notamment du fonds de relance REACT.EU qui vient impacter positivement notre budget d’investissement, notamment bien sûr, dans le développement économique. Je veux redire ici l’importance de cet effort de relance fait au niveau de l’Union Européenne, 750 Mrds€ quand même, et la part 40 Mrds€ qui seront bien sûr dédiés à notre pays, à l’Etat, mais sur le REACT.EU, 51 M€ pour notre région, je crois que la France et son Président de la République, en particulier, a pris son bâton de pèlerin pour convaincre nos amis européens de la nécessité de ce plan de relance à l’échelle européenne, et bien sûr, cela va nous aider. C’est une très bonne chose.

Il nous a été dit lors des Commissions et de nouveau aujourd’hui, que ce budget était un budget de transition, un budget intermédiaire. Bien sûr, je n’ignore pas le contexte, nous l’avons tous devant nous. Je l’ai d’ailleurs rappelé en préambule en début de séance. Il faut bien sûr que nous poursuivions nos efforts pour non seulement un retour à la normale, mais aussi avoir une ambition de relance puisque les fonds sont là, puisque la dynamique est là, qui doit être particulièrement soutenue.

Je note que votre volonté est placée, peut-être, au-dessus de tout le reste, de rétablir des ratios et de reconstituer de l’épargne. Je ne vais pas vous dire que ce ne sont pas des ambitions louables, mais néanmoins, je pense qu’il faut que nous ayons peut-être des visions stratégiques un peu différentes des visions stratégiques financières d’avant, parce que nous avons un contexte nouveau, un contexte qui a changé et dans lequel, d’ailleurs, nous aurons besoin d’anticiper les contractualisations que nous avons réalisées avec l’Etat, que ce soit l’accord régional de relance, que ce soit le contrat de plan Etat/Région, et bien sûr le protocole « petites lignes ». Nous allons donc devoir trouver un juste équilibre entre réaliser ces engagements qui sont des engagements structurants d’équipements pour la Région, mis en œuvre en collaboration avec l’Etat, mais également pouvoir continuer à porter des politiques régionales dynamiques dans des domaines qui ne sont pas tous concernés par ces contractualisations.

Je ne rentrerai pas plus en détail dans les ratios, et je vais laisser cela, à mon collègue Christian DEVEZE qui va intervenir sur ces sujets, mais dans ce souhait de bonne gestion, il faut que nous ayons aussi cette capacité à nous projeter et qui parait particulièrement essentielle pour notre Collectivité.

Et puis, à notre sens, en lisant bien ces 250 pages par pilier, c’est plus facile que les chapitres, puisque vous dites quelles sont vos politiques, je dirais que c’est, avant toute chose, un budget de continuité, sans grande surprise puisque nous avions déjà noté cela lors du débat d’orientations budgétaires. Un effort renforcé d’investissement aidé par les fonds européens, mais je ne lis pas dans ce document – je suis désolée, vous allez me les donner certainement – d’orientations nouvelles, d’ambitions nouvelles, de structurations nouvelles, de projets qui nous permettraient d’aborder d’abord les grands sujets de la transition environnementale et les grands sujets aussi de la souveraineté économique, la souveraineté alimentaire qui sont des sujets absolument essentiels pour notre région, et plus largement pour notre pays, voire pour l’échelle européenne.

La révision du schéma régionale, du SRDEII va avoir lieu. On peut espérer que dans cette révision nous pourrons peut-être porter des ambitions nouvelles, mais je vous avoue qu’aujourd’hui, je reste vraiment sur ma faim à la lecture de ce document budgétaire et que je recherche des nouveaux écosystèmes vertueux, où recherche, innovation, industrie conjugueraient leur force au service de cette véritable stratégie économique de souveraineté qui est absolument essentielle.

Deuxième sujet d’inquiétude pour moi, c’est la formation professionnelle. Bien sûr, j’entends l’explication donnée par Madame la Vice-Présidente sur la diminution des crédits et notamment des crédits de paiement qui sont diminués de plus de 20 % par rapport à l’année précédente, où il nous a été dit, enfin en Commission en tout cas, à laquelle j’ai participé, que l’inscription budgétaire avait été adaptée en raison de sous-réalisations de l’année précédente. Franchement, est-ce que c’est une variable d’ajustement ? Non. A l’heure de la relance et de la transition environnementale où les métiers et les environnements professionnels évoluent sans arrêt, où les réorientations professionnelles subies ou choisies deviennent un enjeu majeur et où de nombreux secteurs sont en tension en ressources humaines, cet infléchissement me paraît vraiment inquiétant et inapproprié.

Je vais vous donner un exemple qui est un petit exemple, mais qui va passer sous les radars d’un livre de 250 pages, mais qui dit les choses. Nous avons, par exemple, la ligne plateforme illettrisme. Je suppose qu’elle finance notamment l’appel à projets, illettrisme et électronisme. Elle diminue de 30 % en AP et de 50 % en crédit de paiement. Je veux bien entendre que c’est parce que ce dispositif n’est pas utilisé, en définitive. Mais quand on sait que le dernier rapport de l’INSEE et la crise sanitaire montrent que l’on a largement contribué à créer la fracture numérique, que cela va bien au-delà de la population des retraités – on dit souvent que ce sont les personnes âgées qui ne connaissent rien à l’informatique, je pense qu’ils connaissent de mieux en mieux – il faut se rendre à l’évidence, un jeune sur six s’estime peu ou pas compétent pour utiliser des logiciels de bureautique. Un sur cinq n’arrive pas à remplir des formulaires en ligne. Des statistiques, bien sûr, qui se répercutent sur l’employabilité de ces jeunes. Je crois que l’on aurait dû voir un surplus d’engagement dans ce petit dispositif, mais je crois qu’il ne faut pas inscrire des sommes, il faut aussi des plans d’incitation, mettre à connaissance les dispositifs et des plans d’incitation pour que ces dispositifs soient utilisés. Là aussi, je crois que nous aurons certainement un vrai effort d’évaluation des politiques publiques que nous portons, des dispositifs que nous portons car je reste persuadée qu’il y a une sous-utilisation de certains dispositifs qui ne sont pas connus, qui ne sont pas mobilisés tout simplement par non- incitation à les utiliser ou méconnaissance ; et tout ceci est effectivement fort dommageable.

Je vais vous parler d’un sujet qui est un peu, vous le savez, mon dada, Monsieur le Président, c’est l’aménagement du territoire. Vous allez me dire que le budget est en hausse. Je vois une hausse qui est assez liée quand même à la mise en œuvre de Ferrocampus, qui est une bonne chose d’ailleurs, et en AP et en CP, mais je reste toujours sur ma faim sur le déploiement du très haut débit. On a un horizon à 2030. L’horizon national était à 2022, il est peut-être passé à 2025. C’est dans huit ans, 2030. C’est un horizon très éloigné pour tous les habitants qui subissent cette fracture numérique, alors que, là encore, l’Etat a mis un concours très significatif dans ces dispositifs, je crois, récemment, 450 M€ à l’échelle des départements de la Région, mais nous sommes mauvais élèves, au dixième rang des régions françaises dans le déploiement du très haut débit. Cela devrait être une priorité pour notre Collectivité, même si je ne méconnais pas les difficultés de mise en œuvre des chantiers, avec certainement des entreprises en sous-effectifs pour effectuer ce travail titanesque. Cette priorité n’est pas vraiment affichée, et je crois que nous avons dixième dans le rang des régions françaises alors que nous sommes une région attractive, que des personnes veulent habiter dans des zones rurales maintenant, dans des zones semi-rurales, et ont besoin de ces connexions pour travailler, même le télétravail qui est de plus en plus développé. Cela implique donc la vie des gens mais également l’activité économique.

Sur la politique contractuelle, difficile de nous prononcer aussi, vous nous parlez d’un nouveau cycle de contractualisation qui va s’engager – dont acte – en prenant appui, dites- vous, sur Néo Terra comme colonne vertébrale. Pour vous dire, tout cela est bien flou, puisque Néo Terra, c’est partout et j’ai du mal à voir la colonne vertébrale de la contractualisation. Par contre, ce qui est vraiment concret, c’est « actions cœur de ville », « petites villes de demain », contrat de ruralité, contrat de relance et de transition écologique lancé par l’Etat. Pourquoi ne pas tout simplement s’inscrire aussi dans cette dynamique pour augmenter les capacités à faire et à financer des collectivités ? Tout serait plus simple, plus lisible pour tous, et peut-être des dossiers plus faciles à réaliser et à porter à l’échelle de chaque collectivité concernée. Cela n’empêcherait pas la Région d’agir, bien sûr, sur des sujets qui ne seraient pas pris en compte dans ces contractualisations avec l’Etat et qui pourrait mener sa politique, parce que je comprends bien, il est normal que la Région veuille aussi accompagner certaines politiques particulières.

Je vais en venir aux investissements sur les infrastructures, le ferroviaire. Oui, je l’ai dit sur la courbe de relance, il y a 1,6 Mrd€ entre la Région et l’Etat sur les infrastructures. 939 M€ pour l’Etat, presque 700 pour la Région. Les petites lignes, 1,5 Mrd€ ou 1,3 Mrd€ signés avec l’Etat, et d’une manière générale, nous vous donnons acte de votre volonté sur le ferroviaire, que ce soit sur les petites lignes, que ce soit sur les lignes moyennes et que ce soit sur les grandes infrastructures, notamment avec GPSO pour l’avenir. Mais franchement, le déséquilibre avec le routier est notoire. 7 M€ pour le routier. Ce n’est pas tant. Je sais que c’est assumé par vous et que vous avez choisi de participer au désenclavement de Limoges, mais pour le reste, rien. Je le redis, l’aménagement du territoire dans cette région, ce sont des voies routières conséquentes, bien équipées au moins entre les villes moyennes de cette région, parce que les 70 000 Néo-aquitains ou 65 000 ou 60 000, même si c’était 80 000, qui prennent les TER tous les jours, nous sommes 6 millions d’habitants, donc il y a énormément de déplacements, la majorité des déplacements se font par voie routière, donc je crois qu’il faut que nous soyons là aussi, je connais votre réponse, mais je ne peux pas m’empêcher de vous dire cela, et Jean DIONIS y reviendra d’ailleurs à ce sujet, et nous avons fait pour cela un amendement.

Je veux dire un mot sur l’agriculture. Pascale REQUENNA en dira un mot, mais oui, à la recherche et développement des solutions pour stopper l’usage des pesticides. 100 % d’accord. Oui, pour aider les agriculteurs au développement de l’agroécologie, mais je le redis, sans eau, rien ne poussera. Il n’y a pas un mot sur le sujet crucial de l’irrigation dans ce bouquin. Alors que le Varenne de l’eau vient de se terminer, je le dis très simplement ici, le mot « irrigation », n’est pas un gros mot. Il en va là aussi de notre souveraineté alimentaire. Je crois donc vraiment qu’il faut que nous en parlions de ces sujets qui sont des sujets majeurs.

Je terminerai en parlant de la transition énergétique, la rénovation thermique des bâtiments, la production d’énergie renouvelable. Vous affichez des ambitions. Je dois vous avouer que je n’en vois pas très nettement la traduction budgétaire à la hauteur de ces enjeux, notamment, je veux parler des autorisations de programme. Va-t-on vers l’hydrogène de façon forte ? Comme c’est le cas dans certaines régions ? Je n’ai pas la lecture et la traduction simple d’une ligne budgétaire ne me paraît pas à la hauteur de ces enjeux.

Monsieur le Président, je n’irai pas plus loin dans l’analyse des politiques. Un budget en augmentation, des ratios qui sont dégradés, mais acceptables. Un budget qui est un budget pour nous de continuité, pas un budget de relance au sens où je l’attendais. Je ne veux pas vous faire le procès du développement économique, cela a toujours été un domaine dans lequel vous étiez très proactif, mais un budget où l’aménagement du territoire me semble dans des sujets importants de liaison ; l’aménagement, c’est le très haut débit. Ce sont les routes, qui ne sont pas encore prises en compte. Et un budget jeunesse, je n’en ai pas parlé, qui une fois que nous avons enlevé l’investissement dans les lycées et les transports scolaires n’est pas très épais.

C’est un budget que je qualifierai d’un peu plan-plan. Je sais que cela ne va pas vous faire plaisir, mais c’est comme cela que j’ai ressenti à la lecture approfondie de tous ces documents, ce n’est pas un budget de circonstances dans ce moment, ou de relance, de dynamique, que nous aurions besoin de porter ensemble. Je vous remercie.