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Tribune d'expression des groupes politiques de la Région Nouvelle-Aquitaine

SRDEII : « S’inscrire en complémentarité de la stratégie industrielle de l’État et de l’Europe »

Lors de la séance plénière des 21 et 22 juin 2022, le Conseil régional de Nouvelle-Aquitaine délibérait sur le Schéma régional de développement économique, d’innovation et d’internationalisation. Il s’agit de bâtir la stratégie régionale en matière économique pour les années à venir.

À l’occasion de ce débat, Pascale Requenna est longuement intervenue pour faire part de nos remarques. En premier lieu, la nécessité de tirer toutes les leçons des crises auxquelles nous avons été confrontées ces dernières années. Ceci nécessite par exemple de penser la stratégie industrielle de la Région à l’aune de ce qui a été entrepris par l’État et par l’Union européenne.

L’élue landaise a également fait part de deux de nos amendements pour :

  • Assurer l’accès à la ressource en eau pour les agriculteurs ;
  • Mettre en place une stratégie pour développer la consigne du verre.

Christian Devèze et Jean Dionis du Séjour ont ensuite pris la parole pour défendre trois autres axes :

  • Faire de l’économie bleue une filière à part entière ;
  • Généraliser le soutien à l’immobilier d’entreprise à tous les territoires ;
  • S’appuyer sur les Maisons départementales de la Région pour rapprocher la Région des acteurs économiques.

Découvrez l’intégralité de l’intervention de Pascale Requenna en séance (seul le prononcé fait foi) :

Président, chers collègues, merci.

Tout d’abord, merci Andréa pour cette présentation et pour ce travail dans le cadre de la mise à jour de ce document, y compris pour la concertation qui a eu lieu à travers les plateformes mises en ligne, les rencontres territoriales et les rendez-vous avec les groupes.

Sur la forme, Monsieur le Président, nous regrettons que dans cette nouvelle version, une nouvelle architecture n’ait pas prévalu : une architecture fondée sur la territorialisation. Ce que je dis là rejoint ce que j’ai dit ce matin, il ne s’agit pas là de saupoudrage, au contraire de ce que vous avez pu vous-même dire. Cela fait 10 ans que l’on réclame cela au sein du groupe centriste. D’autres avant nous ont porté cette parole. Il s’agit peut-être, plutôt que de saupoudrage, d’une décentralisation territoriale. Vous l’appelez au niveau national, nous l’appelons également au niveau régional. On parle de renforcer les territoires, mais pour les renforcer, avant cela il faut y avoir créé de l’activité économique.

Sur la forme encore, nous regrettons – et nous avions demandé cela lors des rencontres avec Andréa, en l’occurrence Geneviève DARRIEUSSECQ – que ce document ne soit pas plus simple et plus facilement accessible et compréhensible, notamment pour les TPE et les PME.

Sur le fond, un de vos axes prioritaires consiste à renforcer une souveraineté régionale, ce qui pour nous est un contresens et de nature à nous inquiéter, car nous concernant, la souveraineté ne vaut que si elle est nationale ou européenne. Nous souhaiterions donc que vous ne vous positionniez pas, une fois de plus, dans un couloir propre, mais qu’il y ait bel et bien des liens avec l’État et l’Europe sur plusieurs sujets : la réindustrialisation du pays, la souveraineté alimentaire par exemple. Et globalement, dans la mise en œuvre de nos politiques publiques, nous devons adhérer aux stratégiques européennes ou nationales, et dans ce cadre-là, apporter notre spécificité, notre contribution, notre part en complémentarité pour être plus fort. Ne pas faire cela est prendre le risque de commettre des erreurs dans notre stratégie, d’être isolé comme nous l’avons fait lors de la dernière séance sur la feuille de route régionale sur la filière électronique qui ne prenait pas en compte le plan d’investissement public européen de 42 milliards d’euros.

Avoir un raisonnement seulement régional sans être lié à État ou à l’Europe, c’est aussi prendre le risque de passer à côté de plusieurs filières stratégiques. J’en évoquerai 3 brièvement :

  • –  Je pense d’abord à l’industrie pharmaceutique dont il est très peu fait mention dans le SRDEII, alors même que nous avons connu les difficultés liées à l’externalisation de 80 % de la fabrication des molécules des médicaments, et alors que 100 % de la fabrication des génériques est sous-traitée. La crise sanitaire a mis en exergue le risque de cette dépendance qui, conjuguée à la réduction des écarts de coûts des pays émergents, permet d’envisager une relocalisation de la production de certains médicaments. Il en a une approche très elliptique et là encore, bien sûr, nous ne pourrons faire seuls, mais il nous semble qu’à l’instar des Régions les plus actives dans le secteur de l’industrie pharmaceutique telle l’Île-de-France, la Normandie ou encore l’Auvergne-Rhône-Alpes, et forte de 63 établissements dont 37 sites de production en Nouvelle-Aquitaine, de son cluster sur les industries de la santé – le GIPSO -, la Nouvelle-Aquitaine pourrait aussi être véritablement force de proposition en matière de relocalisation et de fabrication de molécules thérapeutiques majeures. Il est évoqué une Commission dans ce document ; je ne sais pas de laquelle il s’agit. En tout état de cause, nous l’avions appelée de nos vœux le 2 juillet 2020. Nous n’avons jamais été sollicités.
  • –  Je pense également à la robotique : notre Région, du fait de l’existence sur son territoire de plusieurs champions industriels, a tous les atouts pour devenir une terre d’excellence en la matière. Geneviève DARRIEUSSECQ l’avait d’ailleurs porté l’an dernier.
  • –  Je pense également à l’économie bleue dans son acceptation la plus large, qui n’est toujours pas considérée comme une filière à part entière. Lors du vote du schéma en 2016, par la voix de Michel VEUNAC, nous avions déjà souligné ce point-là, d’autant que pour nous, cette absence conduit à une absence de vision quant au rôle que joueront les infrastructures portuaires dans les prochaines années, a fortiori, Monsieur le Président, dans la perspective de devenir la première Région éco- responsable de France. Je crois que là où nous avons construit l’usine du futur, nous devrions avoir l’ambition de construire le port du futur : un port adapté aux nouveaux usages, connecté, intelligent, respectueux de l’environnement.

Je n’en dirai pas plus sur ce sujet, il fera l’objet d’un amendement qui sera présenté par Christian DEVEZE.

De manière générale, concernant cette nouvelle mouture du schéma, nous trouvons dommage qu’il y ait peu d’inflexion par rapport au précédent, si ce n’est en matière environnementale. Nous regrettons qu’il ne s’adapte pas mieux au nouveau contexte national, international mais aussi qu’il n’ait pas tiré parti de quelques erreurs du passé.

J’aborderai deux points, deux exemples que je prendrai pour corroborer ce que nous considérons être les conclusions qui auraient dû être tirées.

D’abord, le foncier et l’immobilier d’entreprise. On y vient, Monsieur le Président, de manière constante, de manière récurrente…

M. LE PRÉSIDENT. – Et je ne suis pas une saupoudreuse.

Mme REQUENNA. – … avec toujours le même enthousiasme. Nous y venons, cher Président. Je crois que plus que jamais, nous devons y venir : les territoires ont besoin que l’on renforce leur attractivité, que l’on amène, que l’on facilite, que l’on porte les conditions du développement économique de manière éco-responsable. Qui mieux que la Région pour accompagner cela ?

Je le redis : le post-Covid peut être une opportunité pour les territoires les plus ruraux de Nouvelle-Aquitaine. Or, dans ce schéma, vous ne nous proposez de traiter ce sujet que sous le prisme de la déprise industrielle, ce qui est une attitude totalement défensive, là où nous voudrions que vous soyez percutant, que vous soyez offensif. La vulnérabilité des territoires ne doit plus être la clé d’entrée.

Et donc, la petite cerise sur le gâteau, cher Président, est qu’un amendement en ce sens sera présenté par Jean DIONIS DU SÉJOUR.

Ensuite, sur la centralisation, je parlais au début de mon propos de la forme du document, peu accessible alors que les chefs d’entreprises ne cessent de réclamer de la simplification. Simplifier la vie, c’est également rapprocher la Région des territoires, c’est leur permettre d’avoir un accès facilité à l’information et une grande réactivité dans l’instruction des dossiers. Là encore, Monsieur le Président, décentralisation État-Régions, décentralisation Région-territoires. Il y aura de nouveau un amendement sur ce sujet porté par Jean DIONIS DU SÉJOUR.

Ce qui est présenté comme une nouveauté est de remettre l’humain au cœur de la stratégie : là aussi, nous avions eu un propos sur le sujet en 2016. Cette dimension avait également été reprochée par le CESER et nous sommes nous-mêmes convaincus que le développement économique doit être intimement lié au développement, au service de l’emploi et des territoires, tout en étant conforme aux objectifs de développement durable.

A la lecture de ce troisième axe, nous regrettons que – bien qu’existante – la dimension humaine demeure relativement pauvre. Je prends l’exemple de la dimension d’égalité et de lutte contre les discriminations: elle n’est que mentionnée très vaguement, entre parenthèses, comme un facteur d’attractivité des entreprises. C’en est un, bien sûr, je ne vous reprocherai pas non plus d’être pragmatique sur ce sujet, mais il ne faut pas en oublier la dimension sociale pure. Or, en la matière, nous ne voyons que très peu d’ambition affichée, au contraire de ce que l’on peut trouver dans d’autres SRDEII modifiés, comme par exemple en Région Centre-Val de Loire qui inclut dans son schéma toute une partie consacrée à l’égalité incluant des démarches d’innovation sociale, à l’image, entre autres, d’un plan visant à réduire les inégalités liées à la parentalité qui est mis en place en partenariat avec l’État.

C’est d’autant plus regrettable que cette volonté légitime et nécessaire de renforcer l’attractivité des entreprises néo-aquitaines est elle-même assez lacunaire dans ce document. Si elle mentionne rapidement la qualité de vie au travail, elle omet quelques leviers qui nous paraissent pourtant stratégiques, indispensables, et qui ont déjà été débattus dans cette Assemblée. Je citerai rapidement l’offre de logement, qui est abordée de manière extrêmement brève ; aucun mot non plus sur l’hébergement des saisonniers, dont la faiblesse structurelle est un problème majeur, récurrent, et totalement préjudiciable pour l’économie régionale, notamment pour les secteurs agricole et touristique. Très peu de mentions sur les mobilités alors que l’on sait que le poids des transports est grand dans les difficultés de recrutement. Là aussi, notre collègue Daniel DARTIGOLLES avait abordé ce sujet il y a quelques temps. Vous paraissiez convenir de la nécessité de traiter ce problème de mobilité.

En écho avec votre volonté de devenir la première Région éco-responsable, il est assez longuement question – et c’est heureux – de l’économie circulaire, mais nous pensons que votre ambition pourrait être enrichie d’un axe supplémentaire au fort potentiel économique et environnemental, qui est la consigne du verre. Je vais inclure dans cette intervention la défense de l’amendement pour aller plus loin dans la réflexion pour une généralisation à

Conseil régional Nouvelle-Aquitaine – séance plénière des 20 et 21.06.2022

MAPA2018I001S05511/in extenso 109/312

l’échelle régionale du réemploi du verre ; la consigne, qui limite drastiquement l’utilisation des ressources naturelles et qui se traduit…

M. LE PRÉSIDENT. – Pascale ?

Mme RÉQUENNA. – Oui, vous la votez ? Ah oui, je suis d’accord. Donc l’amendement sur le verre, je pense que vous allez le voter.

Par contre, là nous parlons de développement durable, mais je dois évoquer la question de la ressource en eau pour le secteur agricole qui n’est pas abordée dans ce document, ce qui est pour nous extrêmement grave. Il faut assumer. Ainsi, s’il est indispensable que l’utilisation raisonnée et les partages des usages soient une priorité de la Région, il est également nécessaire qu’une stratégie de disponibilité de la ressource en eau pour l’agriculture soit élaborée. Ceci est vital pour ce pan de l’économie régionale qui doit contribuer à la souveraineté alimentaire nationale, et bien sûr je ne peux pas entendre ce que j’ai entendu ce matin, à savoir que nous ne devions avoir que des productions en bio.

Donc nous aurons également un amendement sur ce sujet, et je crois que tel que le fait l’Occitanie et Carole DELGA, nous pouvons trouver des solutions. Je vous invite à prendre attache avec cette talentueuse Présidente de Région.

Pour conclure, Monsieur le Président, il y a quand même 2 chapitres : un sur l’évaluation des politiques publiques qui est très bref, donc je vous demande encore une fois de vous référer au schéma de la Nouvelle-Occitanie qui a véritablement des grilles d’évaluation extrêmement précises, et puis à mettre en œuvre également la Commission d’évaluation des politiques publiques que nous avons installée, mais dont on n’a pas de nouvelles.

Enfin, d’un mot pour terminer, le dernier paragraphe qui concerne les crises, franchement, des crises, malheureusement je crains que nous n’ayons à en affronter d’autres : il est extrêmement elliptique aussi.

Donc il y a de bonnes choses ; il y a des choses que nous aurions aimé voir différentes. Si vous votez l’ensemble de nos amendements, nous voterons le SRDEII, sans quoi nous nous abstiendrons.

Je vous remercie, Mesdames et Messieurs, chers collègues.