Règlement intérieur : « Introduisons un droit de proposition des élus ! »
Le Conseil régional était aujourd’hui amené à se prononcer sur la refonte de son règlement intérieur. À l’issue de plusieurs heures de réunion entre tous les groupes de l’assemblée – durant lesquelles notre groupe a émis de nombreuses propositions – Fabien Robert a regretté le manque d’ambition du texte présenté par l’exécutif.
En particulier, l’élu bordelais a regretté que deux de nos propositions majeures n’aient pas été retenues :
- L’approfondissement de la participation citoyenne, y compris par des méthodes innovantes ;
- L’introduction d’un droit de proposition pour les élus d’opposition.
Ce dernier point aurait dû permettre, comme c’est déjà le cas dans d’autres assemblées, à chaque groupe politique de proposer une délibération par an sur un sujet régional.
Notre groupe estime que de telles mesures sont de nature à faire vivre le pluralisme et la capacité d’expression des élus, conditions nécessaires pour une démocratie saine et vivante.
Dans ces conditions, les élus Centre et Indépendants ont voté contre le texte proposé.
Retrouvez les interventions de Fabien Robert en séance (seul le prononcé fait foi) :
Monsieur le Président,
Mes chers collègues,
Nous débattons aujourd’hui du règlement intérieur, de quoi parlons-nous en réalité parce que derrière ce nom un peu technique en réalité, c’est un document légal qui reprend des articles du CGCT, technique qui fixe des aspects organisationnels. Évidemment, nous ne pouvons être que favorables sur ces deux aspects-là.
Mais c’est aussi et surtout – nous le pensons – un document politique puisqu’il n’est pas seulement interne ou intérieur. Il permet d’améliorer les relations entre l’Opposition et la Majorité, de mettre en place des outils de démocratie participative ou de mieux associer, par exemple, le CESER à nos travaux. Et c’est la raison pour laquelle, nous nous sommes pleinement investis dans ces – environ – dix heures de réunion aux côtés de Philippe NAUCHE. Je voudrais d’ailleurs le remercier parce qu’il a fait preuve d’une écoute réelle. Il a su se mettre à notre place, tout en demeurant ferme, parfois un peu trop, vous allez le voir, mais le débat a été respectueux et de qualité.
Malgré cette démarche vertueuse, vous nous présentez aujourd’hui un document que nous estimons largement insuffisant sur le fond. Commençons d’abord sur les points sur lesquels nous avons été entendus :
– le maintien de la plateforme d’interpellation citoyenne : effectivement pour nous, c’était important à condition qu’elle soit activée, puisqu’il a été souligné qu’elle ne l’a jamais été jusque-là, et que si l’on veut qu’elle soit activée, il faut un véritable outil, comme il existe au niveau européen, un outil qui permet de pétitionner, de signer et d’activer cette clause d’interpellation,
– le Président ou le rapporteur d’une mission d’information issu de la Minorité. Là encore, cela n’a jamais été utilisé, mais c’est un progrès,
– l’abaissement du trimestre pour le relevé des indemnités de présentiel des élus,
– et puis la réflexion sur la communication numérique où, en effet, vous acceptez que nous puissions avoir une communication sans doute plus moderne et néanmoins couverte et prise en charge par le Conseil Régional.
En revanche, nous pensons que le cœur de nos propositions n’a pas été pris en compte, avec tout d’abord, et c’est l’objet de notre amendement, le droit de propositions des groupes d’Opposition. Ce droit de propositions, nous l’avons imaginé en nous inspirant de la jurisprudence administrative qui reconnaît notamment aux conseillers municipaux le droit de proposer, à tout moment, en séance des amendements ou l’examen d’une proposition. Il s’agirait pour chaque groupe minoritaire, ici, de pouvoir une fois par an proposer une délibération que vous inscririez ou non à l’ordre du jour, Monsieur le Président, bien évidemment, vous restez maître de l’ordre du jour – il n’y a pas de débat là-dessus – mais ce droit de proposition n’est pas simplement une motion. La motion est une intention, un propos général. La délibération est un propos concret, travaillé, objectivé, y compris avec le support des Services, s’il le faut.
Je me répète, vous conservez le droit d’inscription, mais ce droit de proposition aurait pu être un vrai progrès dans le dialogue avec l’Opposition et une prise de risque très limitée pour votre Majorité.
Deuxièmement, nous aurions aimé que la Minorité puisse parfois saisir le CESER, une fois, deux fois, par mandature, sans être excessif. Nous aurions aussi aimé, par exemple, que la place consacrée à l’expression des groupes politiques dans le magazine régional soit plus équitable. Je parle d’un exemple que je connais, qui est celui de la ville de Bordeaux. Jacques CHABAN-DELMAS avait instauré un principe : tous les groupes ont le même espace. Alors sans arriver jusque-là, nous aurions sans doute pu trouver plus d’équilibre, et je précise que cette règle bordelaise est perpétuée, y compris aujourd’hui par le maire de Bordeaux.
Et puis, il y a des flous. Notamment, vous avez évoqué le fait que les délibérations modifiées allaient être signalées. Nous pensons que modifications substantielles, c’est beaucoup trop flou. Cela veut dire quoi, une modification substantielle ? Je vous précise, mais vous le savez, que nous avons reçu des nouvelles délibérations pour cette séance, hier à 12 h 32. Nous pensons donc que sur le suivi et la modification régulière et permanente des délibérations, le compte n’y est pas.
La rédaction également de l’article 18 sur la plateforme d’interpellation citoyenne ne nous semble pas suffisamment volontariste.
Enfin, l’article 33 sur la procédure de dépôt, vous décidez de supprimer le droit de sous- amendement. Nous trouvons cela d’ailleurs très limite par rapport à la loi. Je ne suis pas certain que cela passe le contrôle de légalité, car le droit de sous-amendement fait aussi partie du droit d’amendement.
Et puis, et c’est peut-être pour nous le plus important, il y a les sujets qui n’ont pas été abordés ou qui n’ont pas, en tout cas, été pris en compte. D’abord, le nombre de réunions plénières que nous avons, et prenez-le aussi comme, peut-être, un rapport d’étonnement d’un élu nouveau dans cet hémicycle. Pour une Collectivité dont le budget est supérieur à 3 Mrds€, nous nous réunissons cinq ou six fois par an en plénière. Je trouve que ceci est largement insuffisant et la longueur de nos plénières et la difficulté parfois à s’exprimer dans le débat – non pas que vous restreigniez la parole, Monsieur le Président – mais parce qu’il y a beaucoup de choses à dire, donc les débats sont longs. Il est compliqué d’intervenir au moment où parfois une parole serait judicieuse. Je trouve que c’est très largement insuffisant et que notre Assemblée ressemble furieusement à une chambre d’enregistrement. Vous me répondrez qu’il existe les Commissions Permanentes.
Il se trouve que je suis resté assis pour le quart d’heure de Commission Permanente qu’il y a eu hier. Je ne siège pas dans la Commission Permanente, mais enfin, là encore, n’importe quelle personne extérieure trouverait très étrange. On cite des cahiers C02, on vote des centaines voire des milliers de décisions en quelques minutes. Il n’y a pas vraiment de débat. Je trouve qu’il y a quelque chose qui ne fonctionne pas très bien dans la démocratie représentative. Peut-être faudrait-il expérimenter, regroupements, dégroupements de délibérations pour s’attarder vraiment sur celles qui méritent le débat, mais je trouve qu’il y a là, quelque chose qui ne fonctionne pas.
Deuxième sujet, la participation citoyenne, que je différencie du CESER. Le CESER, c’est précieux. Ce sont les corps intermédiaires, c’est la société organisée. Cela n’est pas tous les citoyens. Là encore, à part la forme d’interpellation citoyenne, rien n’est dit sur ce sujet, rien n’est proposé sur ce sujet-là. Pour information, pendant que nous débattions des orientations budgétaires, hier, il y avait 18 personnes qui visionnaient notre séance sur You Tube. En bas, dans le hall, il y a une dizaine de chaises devant un écran qui retransmet la séance. Elles sont vides. J’ai vu une personne, je crois, hier, qui s’est assise très brièvement. Nos débats, comme ceux d’autres Assemblées – ne nous faisons pas harakiri – ne passionnent pas les foules. L’un des moyens de réintéresser nos concitoyens, c’est de les faire participer à la prise de décisions. Quid d’un budget participatif ? Quid des jurys citoyens, des Conseils consultatifs régionaux généralisés par politiques avec les citoyens ? Je le répète, c’est différent du CESER, c’est une autre échelle de participation. Les communes sont souvent plus en avance, mais je pense que l’Institution régionale doit aller plus loin.
Ceci étant dit, nous ne reprenons pas tout ceci dans des amendements. Nous avons choisi d’en déposer un seul, Monsieur le Président. C’est le droit de propositions. Nous sommes convaincus que permettre à vos groupes d’Opposition, et je le répète, vous restez maître de l’ordre du jour, de déposer une délibération sur un sujet qui nous tient à cœur serait plus constructif que des motions dont on se demande parfois où elles vont et si elles comptent réellement.
Si ce droit de proposition était retenu, nous serions évidemment disposés à voter ce règlement intérieur, sans quoi, nous voterons contre. A l’heure où notre démocratie est malade, souffrante et affaiblie, soit par les excès des Extrêmes, soit par l’indifférence des abstentionnistes, rappelons-nous que nous avons été victimes d’un taux d’abstention de 63,43 % lors des dernières élections régionales. Nous pensons qu’il fallait refonder ce document en profondeur et ne pas simplement le ripoliner. Bien sûr, un règlement intérieur ne va pas à lui seul redonner confiance à nos concitoyens, mais c’est une bonne occasion de faire un pas dans la bonne direction, et nous avions sans doute, de ce point de vue-là, une ambition plus grande à l’égard de ce document, qui est le fruit des habitudes, qui est le fruit de ce qui se fait ordinairement, mais qui manque, de notre point de vue, d’innovations. Nous estimons que c’est un rendez-vous manqué avec la démocratie régionale. Merci de votre attention.
Très brièvement. Je l’ai évoqué dans mon intervention. Nous vous proposons un amendement sur l’article 2. Je ne vais pas vous le lire dans son intégralité, mais il propose que le Président établisse l’ordre du jour en retenant à chaque séance une proposition de délibération d’un groupe minoritaire. C’est ce que nous appelons le droit de proposition qui a déjà été expérimenté dans d’autres Collectivités. Cette délibération serait travaillée en lien avec votre Cabinet, en lien les Services. Toutes les questions d’incidence évidemment seraient traitées. Vous parliez de plus de débats en Commission notamment avec l’Administration. Je crois que cela va vraiment dans ce sens-là.
Vous seriez naturellement libre de l’inscrire à l’ordre du jour, lorsque vous le souhaitez. C’est ce que nous appelons le droit de proposition, et nous pensons que c’est beaucoup plus constructif, et cela va un cran plus loin que la question de simples motions.