Ouverture à la concurrence du réseau TER : « Nous voulons un vrai débat démocratique ! »
Lors du débat d’orientations budgétaires, Fabien Robert a regretté que l’ouverture à la concurrence du réseau TER ne fasse pas l’objet d’un débat spécifique ! Réaffirmant le plein soutien de notre groupe au principe, il a rappelé la nécessité d’un débat sur ses modalités et implications. En particulier, il est nécessaire d’ouvrir des questionnements tels que les objectifs d’amélioration du service, l’augmentation des coûts, la garantie du statut des personnels etc.
Lors du débat sur la reprise du matériel roulant, plus tard dans la séance, le président du groupe Centre et Indépendants a rappelé que les deux sujets ne pouvaient pas être totalement dissociés et a fixé une ligne rouge : à terme, le matériel roulant doit pouvoir faire partie de l’offre d’exploitation, c’est indispensable.
Retrouvez l’intégralité de l’intervention de Fabien Robert au sujet des orientations budgétaires (seul le prononcé fait foi) :
Monsieur le Président, cet exercice des orientations budgétaires est toujours l’occasion pour les uns d’embellir le tableau, pour les autres de le noircir. C’est un exercice, je crois, usuel.
De mon côté, je voudrais pointer au démarrage un certain nombre de satisfactions que nous ne partageons pas totalement, ou en tout cas que nous voudrions un peu relativiser : notamment – je l’ai dit dans le propos liminaire mais je le redis – la santé financière des collectivités est bonne après la crise COVID, grâce aux exécutifs, mais aussi grâce aux investissements et aux aides massives de l’État. Je pense que c’est ce qui nous permet aussi d’aborder cette période plus sereinement. Bien sûr, des collectivités vont rencontrer des difficultés, mais de ce point de vue, l’on a eu toute une série d’alertes ; il y a eu en réalité une grande capacité de résilience de la part des collectivités.
Toujours dans le registre des éléments positifs, peut-être plus que ce que l’on a pu entendre ici, la TVA : vous aviez rappelé que vous étiez un fervent défenseur d’une fraction de TVA accordée par Manuel VALLS. Dans cette même logique, la TVA est une recette extrêmement dynamique. Vous me rétorquerez sans doute que l’assiette de l’impôt n’est pas l’assiette du territoire ; certes, mais le développement et l’activité économiques permettent aussi à cette taxe d’être évolutive et de faire du bien. Le douzième de fiscalité du mois d’octobre qui sera versé le 20 octobre correspond à 2,5 milliards pour les collectivités dont 1 milliard pour les Régions. Cette somme leur est due, il n’y a pas de difficulté ; mais c’est pour souligner tout de même que cette recette, je trouve, est particulièrement dynamique.
Ensuite, l’on a une différence de points de vue sur la CVAE : vous dites que ce n’est pas un impôt de production. Les économistes le mettent dans l’impôt de production, en tout cas ceux que j’ai pu consultés. Par ailleurs, ils taxent la valeur ajoutée, c’est vrai. C’est donc d’une certaine manière encore plus injuste que d’autres impôts, puisque l’on va taxer immédiatement la transformation dans l’entreprise. C’est notamment injuste pour d’industrie, et là c’est très clair : il y a toute une série de travaux qui montrent que cela défavorise notamment, plus particulièrement, les industries. Les compensations vont, là aussi, se faire par la TVA. Je n’y reviens pas, ce n’est pas le sujet ici, mais je crois que l’on peut tout de même se féliciter que cet impôt soit supprimé. Cela contribuera, je crois, à la réussite industrielle. J’entends que vous n’êtes pas tout à fait du même avis, je pense malgré tout que cet impôt fera du bien. On voit dans le PLF les effets qu’il a : ce que disent aujourd’hui les experts – ce n’est pas que le Medef, c’est aussi un certain nombre d’économistes plus neutres – est que c’est une bonne nouvelle.
Donc quelques éléments tout de même à souligner ou à nuancer. Le contexte, lui aussi, est particulièrement nouveau. De ce point de vue, vous mettez, je crois, l’enjeu énergétique au bon niveau ; il y a des dépenses supplémentaires et vous les avez évoquées en des termes extrêmement transparents. Mais nous avons néanmoins un regret, puisqu’il y a une constante : ce sont toujours les termes « s’engager sur un plafond annuel d’investissement soutenable ». Ce n’est pas que nous ayons une hostilité pour la prudence budgétaire, évidemment, mais vous le savez – nous le répétons souvent ici -, nous pensons qu’il y a une forme de timidité sur certains investissements – pas sur tous – qui met la Région dans une certaine prudence.
Je rappelle que les Régions sont des machines à investir, que l’on a des capacités fortes ici. Je suis un peu injuste. Vous nous avez peut-être entendu, puisque l’on va passer de cinq à six ans la capacité de désendettement au terme de la mandature ; cela nous paraît prudent, peut-être un peu trop prudent dans cette période où au contraire, l’on a besoin du soutien plus massif encore des collectivités. Le ratio de désendettement n’est pas la boussole, je crois, d’une collectivité. On ne gère pas du patrimoine.
En réalité, ce qui est important, vous le soulignez à un moment donné en ayant cette phrase : «Nous ne pourrons pas répondre à tous et pour tout. », considérant que c’est peut être quelque chose d’exceptionnel. Pas du tout ; je crois que c’est la définition même de la politique. « Gouverner, c’est choisir. » Si difficiles que soient les choix, je pense que vous aurez reconnu Pierre MENDES-FRANCE.
Quelques domaines qui nous perturbent, ou sur lesquels nous avons des différends.
Tout d’abord sur l’aménagement du territoire : l’année dernière, Geneviève DARRIEUSSECQ soulignait l’absence de clés de lecture territoriales. Je fais la même remarque aujourd’hui.
Nous aimerions comprendre, par territoire, même si c’est incomplet, le sens que vous voulez donner au budget régional. On nous parle du SRADDET, on nous parle de la politique contractuelle et du CPER ; nous l’avons dit, cela ne constitue pas pour nous une approche territoriale intégrée. J’y reviendrai sur la délibération n°28 avec les contrats que nous allons voter.
Un certain nombre de sujets ont également été abordés où, me semble-t-il, il y a des incertitudes, ou en tout cas des inexactitudes. D’abord, concernant le bouclier énergétique. On l’a un peu abordé ce matin. Je crois que les choses sont claires. La logique qui est adoptée est exactement la même que vous reprenez pour les lycées : tout simplement regarder collectivité par collectivité. Je crois qu’elle est bonne. Quant à la baisse des coûts de l’énergie que vous anticipez, j’imagine que vous avez aussi à l’esprit le fait que l’on renégocie les prix et que cela bénéficie aussi aux collectivités. Je crois donc que là aussi, l’État joue son rôle.
Par rapport au retour ou non du Pacte de Cahors : ce pacte n’a pas grand-chose à voir avec ce qui va être présenté, en tout cas ce qui est présenté. Je répète que c’est en construction aujourd’hui. D’abord, parce que l’on tient compte de l’inflation. Il n’y en avait pas à l’époque. On réclamait de tenir compte de l’inflation. Ayons au moins la justesse de reconnaître que dans ce contrat, l’on va tenir compte de l’inflation : – 0,5. C’est plutôt vertueux.
Deuxièmement, l’on va raisonner par catégories et non par collectivités, ce qui va permettre une forme de souplesse par catégories. On touchera les budgets annuels supérieurs à 40 millions d’€, soit 500 collectivités. On est quand même loin de ce qu’était le contrat de Cahors, pour l’avoir vécu aussi de l’intérieur.
Voilà toutes ces interventions. Je ne parle pas de la DGF qui augmente, on l’a déjà évoquée. Il est vrai que toutes ces interventions, c’est vraiment la France et sa radicalité libérale ; je crois que l’on a là de parfaites illustrations d’à quel point la France est un pays ultralibéral.
Certes, dans ces orientations budgétaires, vous nous parlez beaucoup de transport. Vous venez de dire – et vous avez lâché le mot, Monsieur – que c’est une information concernant l’ouverture à la concurrence que vous nous faites. Effectivement, c’est une information. Ce que nous aurions aimé avoir n’est pas une information, mais un débat spécialement consacré à ce sujet. Peut-être pas après neuf heures de réunion, parce que c’est vraiment le sujet majeur et nous l’abordons uniquement maintenant. Nous regrettons cela. Entendons-nous bien : sur le fond, nous sommes totalement d’accord avec cette logique. Je le dis sans ambigüité. Nous considérons que la concurrence peut améliorer la qualité du service, la desserte, tout en garantissant la sécurité et le statut des salariés. Là aussi, vous avez pris des exemples, mon cher collègue MELLIER, qui vont satisfaire et illustrer votre propos, mais il y a une multitude d’exemples qui montrent qu’à partir du moment où l’infrastructure est publique, on peut garantir la sécurité et avoir des réductions de coûts. Par ailleurs, ce n’est pas s’opposer à la SNCF que de dire cela. La SNCF sera la première à répondre à ces appels d’offres. Elle va créer des filiales et sans doute que dans certaines Régions, elle gagnera les marchés. Cela veut dire qu’elle va participer à ce jeu-là, et sans doute que tout le monde y sera gagnant.
On est pour à 200 %, mais vous avez dit ce matin que vous étiez comme Saint Thomas ; nous aussi. Je vous ai écrit – vous avez d’ailleurs répondu dans un délai rapide et je vous en remercie – parce que nous avions des questions. Les réponses ne sont pas totalement, complètes, mais vous voyez bien qu’il y a plein de sujets sur cette question qui nous dérangent.
Sur la forme, c’est un étonnement de voir ce sujet dans les orientations budgétaires. Cela ne permet pas le débat apaisé. Le CESER l’a d’ailleurs souligné dans un débat, je crois, d’une rare sévérité pour le CESER, où il parle d’un déficit démocratique – de mémoire. Il pointe le fait que sur ce sujet, nous ne sommes pas tout à fait à la hauteur de l’enjeu. C’est aujourd’hui ce qui nous conduit à être réservés et nous verrons la teneur des débats sur la délibération 32, c’est-à-dire dans un moment lointain où j’espère que nous aurons toujours autant de capacité d’écoute et de concentration.
Concernant le transfert des matériels roulants, juste un mot parce que je réagis à ce que vous avez dit : effectivement, le matériel roulant était propriété de la SNCF parce qu’il y avait une situation de monopole longue et ancienne, alors que les transports urbains sont remis en cause par des mises en concurrence régulières. Donc effectivement, le matériel est propriété de la collectivité. C’est bien la preuve que pour lancer la concurrence, il faut que le matériel soit propriété de la collectivité. La délibération n°32 est donc liée à la mise en concurrence, je crois qu’il faut le dire clairement. Ce n’est pas le seul objet, c’est aussi pour mieux gérer le parc. Nous l’entendons, mais c’est clairement un préalable à la concurrence et nous regrettons que ce débat n’ait pas lieu. Je crois qu’il aurait pu être parfaitement apaisé.
Concernant toujours les questions qui nous tiennent à coeur, au-delà des transports, vous avez également abordé – pas assez suffisamment selon nous – les questions de politique de jeunesse. Là encore, je l’ai abordé ce matin, je le redis très légèrement pour ne pas être trop long : je trouve que nous avons une vision de la jeunesse qui n’est pas suffisamment développée. Vous nous avez proposé de participer à un groupe de travail suite à la motion que nous avions déposée au début du mandat et nous vous en remercions. Nous allons nous y impliquer pleinement afin que nous ayons, de ce point de vue, une politique extrêmement ambitieuse. En tout cas, vous pourrez compter sur nous.
Ensuite, Monsieur le Président, nous pensons qu’il y a – je sais que cela ne va pas vous faire plaisir – quelques novations que l’on aurait pu imaginer. Vous avez parlé de la géothermie. Nous sommes totalement d’accord. Après, en termes d’innovation, la centrale qui est juste à côté du Conseil régional date de 1981. Nous avons la Cité municipale de Bordeaux ou une centrale de géothermie rive droite. La géothermie se développe et je crois que l’on fait le bon choix. J’ai envie de vous dire : allons un cran plus loin. J’ai là l’étude sur la géothermie de surface, une arme puissante du Haut-Commissariat au plan – vous ne serez donc pas surpris que je la cite. Elle est extrêmement intéressante parce qu’elle nous révèle que nous avons sous nos pieds un gisement formidable au-delà des infrastructures publiques pour les particuliers. Prenez connaissance de ce travail, qui est d’abord celui des professionnels : ce sont 100 térawatts annuels de potentiel d’économie de gaz accessible d’ici 15 à 20 ans.
Évidemment, il faut pour cela plus de formation – ce sont notamment, évidemment, les compétences de la Région -, plus de capacités de forage pour les systèmes de chauffage – il y a là aussi de la recherche à produire. Et puis il faut aussi, pour les particuliers, réduire la charge des travaux par un tiers financeur. En tout cas, il y a dans la géothermie quelque chose d’extrêmement important. Chiche, Monsieur le Président ; regardons-le aussi pour les Néo- Aquitains. Nous pensons qu’il y a là quelque chose de fort intéressant. Sur les innovations aussi, nous avons fait face ce week-end à des pénuries d’essence importantes. Il y a des Régions qui ont proposé la gratuité des transports, des TER, ou bien les TER à un euro. C’est certes symbolique ou symptomatique, mais c’est important et cela envoie un signal. Mais comme je savais que cela n’allait pas vous plaire, je vais prendre un autre exemple : sur le même registre – puisque l’on parle des jeunes -, une autre comparaison avec l’Occitanie où il existe une tarification spécifique pour les jeunes. Plus ils voyagent en train, moins ils paient. De zéro à 10 trajets par mois, l’usage du jeune bénéficie d’une tarification à – 50 % ; de 11 à 20 trajets, c’est gratuit ; et au-delà de 20 trajets, il nourrit une cagnotte qui lui permet de financer les trajets du mois d’après. C’est innovant, social et ultraincitatif.
Qu’avons-nous en Nouvelle-Aquitaine ? Rien, la tarification habituelle de la SNCF. Si
je dis une bêtise, vous me corrigerez mais en tout cas, nous avons regardé…
M. LE PRÉSIDENT. – C’est une grosse bêtise, mon cher.
M. ROBERT. – Très bien. Vous me corrigerez et vous me passerez cela. C’est ma première en tant que Président. Simplement, nous avons regardé : Bayonne-Orthez, ce weekend, un jeune paye 27 €. Pour un jeune, il y a des compagnies aériennes qui proposent d’aller à l’autre bout de la France pour à peu près le même prix. S’il y a des tarifs, il faut donc peut être les regarder à nouveau. En tout cas, nous considérons que c’est insuffisant.
Je ne veux pas paraître injuste ; il y a évidemment des éléments d’orientations qui nous conviennent, la politique industrielle notamment. Nous savons très bien que vous avez, de ce point de vue, axé vos priorités sur la relocalisation de productions stratégiques à forte valeurs ajoutées, y compris sociales et environnementales, et nous sommes totalement d’accord. Vous avez également, j’en suis sûr, remarqué l’intention de l’État et l’interview du Président de la République sur ce sujet, qui nous montre aussi qu’il y a là des convergences à trouver main dans la main avec l’État.
Nous vous savons aussi gré de tenir un discours clair sur la science et sur l’innovation. Beaucoup d’information, de désinformation, de complotisme… Le schéma scientifique que vous nous proposez un peu plus tard va dans le bon sens. Un petit regret néanmoins : sans doute que sur le nucléaire, au-delà de l’aspect industriel et emploi, il faut rappeler le succès de cette énergie décarbonée qui fait que la France est dans la situation que l’on sait, c’est-àdire moins pire que ses voisins européens en matière de pollution. Je ne reviens pas sur la restauration scolaire.
Évidemment, Monsieur le Président, je vous concède que les orientations budgétaires ne sont pas un exercice tout à fait évident. J’entendais nos camarades du Rassemblement National nous dire en introduction à quel point il fallait faire plus de dépenses, notamment avec une motion sur un fonds agricole d’urgence ; toute une série d’actions qui coûtent, et en même temps l’on nous a expliqué que l’on ne faisait pas assez d’économies et que cela n’allait pas, qu’il fallait réduire encore plus. On va raser gratis : non, par définition, cela n’existe pas. C’est donc un exercice difficile. Il est difficile à rédiger pour vous, à analyser pour nous. Il faut être à la fois exhaustif, synthétique, politique, technique, ambitieux et réaliste. Le risque à la fin est sans doute de parvenir à une forme de synthèse un peu molle. Malheureusement, l’on n’échappe pas tout à fait à cet écueil.
Retrouvez l’intégralité de l’intervention de Fabien Robert sur la reprise du matériel roulant (seul le prononcé fait foi) :