Skip to main content
Tribune d'expression des groupes politiques de la Région Nouvelle-Aquitaine

« Délaisser à ce point la route, c’est pénaliser la plupart des Néo-Aquitains »

À l’occasion du vote du budget primitif 2022, Jean Dionis est intervenu pour regretter que le volet « transports » ne prévoit presque aucun investissement dans les routes.

Or, pour beaucoup d’habitants de notre région, la voiture n’est pas une option, c’est une nécessité. Un tel déséquilibre entre les modes de transport, au détriment des routes, pénalise a minima les 51% de Néo-Aquitains qui vivent en milieu rural.

Le maire d’Agen a ajouté qu’une telle position ne pouvait être justifiée par l’urgence climatique : oui, les voitures à moteur thermique sont l’un des principaux pollueurs, mais ce n’est pas la route qui est carbonée ! L’urgence est justement à inciter à un usage plus écologique de la route.


Retrouvez l’intégralité de l’intervention de Jean Dionis du Séjour (seul le prononcé fait foi) :

Monsieur le Président,

Effectivement, les routes. J’interviens donc au nom du groupe Centre et Indépendants sur le pilier 3 du notre budget, Infrastructures et transport. Nous l’avons travaillé dans tous les sens et cela donne ferroviaire – écoutez bien quand même – 174 M, cela représente 74 % du budget d’investissement. Budget routes, quasiment, zéro. On y trouve uniquement les crédits de paiement de la RN 141 et de la 147. D’un côté, 174 M pour le rail, de l’autre 7 M pour les routes. Alors, vous me direz, ce choix est très exclusif, discriminatoire, vous l’assumez. Il a été validé par la dernière élection régionale et de l’autre côté – et vous venez de le dire – nous restons constants dans la dénonciation d’un déséquilibre évident qui pénalise gravement plus de 51 % des Néo-Aquitains qui vivent en territoire rural.

Vous expliquez cette orientation par une stratégie de report modal, massif vers les transports ferroviaires. Cette politique, à la limite, pourrait s’entendre en Gironde, en Haute- Vienne où il y a des réseaux ferrés denses, mais quid des Landes ? Trois lignes ferroviaires. Quid du Lot-et-Garonne ? Deux petites lignes. Ouvrez une carte et vous constaterez par vous-mêmes la faiblesse de la densité du réseau petites lignes incluses, et quand on vit en milieu rural, comme 51 % des Néo-aquitains, Monsieur le Président, la voiture n’est pas une option, c’est une nécessité. Vous et moi serions sourds si l’on ne tirait pas cette leçon de la crise des Gilets jaunes.

Prenez le Lot-et-Garonne, par hasard, traversé à la fois par une route nationale 21, et la ligne ferroviaire TER Agen-Périgueux. J’ai regardé les chiffres. En 2019, trafic journalier entre Agen-Villeneuve, 11 000 véhicules par jour. C’est une route absolument structurante pour l’aménagement intérieur de notre région, le Conseil Régional n’y assume pas sa compétence. C’est une compétence en matière d’itinéraire routier d’intérêt régional ; vous n’y êtes pas. Vous devriez y être, vous n’y êtes pas.

En comparaison, sur la ligne ferroviaire Périgueux-Agen, on a enregistré en 2019, c’est- à-dire hors Covid, une fréquentation de 437 voyageurs par jour. 11 000/437. Et vous êtes prêts, aux côtés de l’Etat dans le cadre d’un protocole « lignes dessertes fines du territoire » signé le 22 avril 2021, à engager la Région à hauteur de 40,6 M€. Sans stigmatiser cette ligne ferroviaire qui a son utilité, le compte en matière de répartition de l’effort d’investissement, en fonction de l’utilité sociale, vous employez ce mot à juste titre, Monsieur le Président, mais là, elle y est. Il faut bien que cela soit quand même le critère décisif. Eh bien, le compte n’y est vraiment pas.

La répartition des rôles en matière d’investissement sur les infrastructures de transport où l’Etat et le Conseil Régional travaillent de plus en plus en silo, l’Etat fait l’essentiel de l’effort sur les routes, la Région fait l’essentiel sur le ferroviaire, et cela sans prise en compte comparative de l’utilité sociale des routes et notamment des petites lignes ferroviaires ; cette répartition des rôles relève d’une faute stratégique lourde.

Au nom de notre groupe, mais aussi de beaucoup de gens ici, nous vous demandons une modification de ce budget pour que la Région et l’Etat, ensemble, coordonnent et consolident leur effort financier sur ce qui doit être les véritables priorités au regard de l’utilité sociale des propositions d’investissement. Ici, ce sera le rail, là, ce sera la route. Encore une fois, à aucun moment, nous vous demandons le basculement du budget vers l’autoroutier. Nous vous demandons l’équilibre. Nous vous demandons un budget équilibré comme le font d’ailleurs, à peu près tous vos collègues Présidents de Conseils régionaux.

Monsieur le Président, vous aimez le rail, pourquoi pas ? Vous abandonnez nos routes, et au-delà des chiffres, il faut interroger les fondements idéologiques de ce choix. A l’origine de ce choix, il y a un discours politique qui commence à dater. Je l’ai tracé. Ce sont les années 1990. On fait du basculement de la route vers le rail, le cœur d’une stratégie de décarbonation du secteur de transport. Et notre groupe est d’accord pour dire qu’il est prioritaire de décarboner ce secteur d’activité puisqu’il pèse 30 % des émissions totales en CO2 sur l’ensemble de l’Union Européenne. Oui, les voitures à moteur thermique sont l’un des principaux pollueurs parce qu’elles représentent 60,7 % des émissions dues au transport sur les routes.

Faut-il pour autant ne plus investir de manière significative sur les routes ? Non. Ce n’est pas la route qui est carbonée, et quand on aura compris cela, on aura franchi peut-être un seuil dans le débat, c’est la voiture au moteur thermique. La voiture est en train de devenir un mode de transport plus propre : covoiturage, voiture électrique, optimisation des moteurs notamment hybride, d’autres modes de transports routiers, le bus constitue une alternative plus propre. La route peut aussi être redistribuée à des modes doux. On en parle, piétons, vélos.

Enfin, la part du marché, le fret, du ferroviaire en France. Elle n’a cessé et elle ne cesse de plonger, pour tomber à 9 % en 2019, soit cinq fois moins qu’en 1974, et environ la moitié de la moyenne européenne. On peut le regretter. Mais les raisons du déclin français sont profondes. Monsieur le Président, avec le respect que je vous dois, ce n’est pas vous, comme vous le disiez tout à l’heure, avec vos petits bras, qui allez inverser à court et moyen termes, cette tendance. Il nous faut donc inciter fortement, effectivement, à un usage plus écologique de la route, plutôt que de la diaboliser de manière manichéenne.

Ecoutez le CESER. On a lu le rapport du CESER 2021. Je le cite : « Le transport ferroviaire ne peut suffire à porter une politique de mobilité bas carbone ambitieuse ». Il a raison, le CESER. Il attirait votre attention sur – je cite – « la diversité des enjeux de mobilité dans les territoires, en particulier, ceux liés aux territoires ruraux, dans lesquels l’automobile est souvent le seul mode de fonctionnement. ». Monsieur le Président, vos collègues Présidents de Régions votent des budgets équilibrés, routes et rails. Les élus du CESER vous disent d’aller dans ce sens. Et votre très humble Opposition vous dit aussi cela. Monsieur le Président, je voudrais que vous vous posiez une seule question, doucement. Et s’ils avaient raison ? Monsieur le Président, il y a dans cette affaire quelque chose qui remonte à vous, c’est bien naturel.

Dernière remarque pour conclure, Monsieur le Président, nous avons cherché en vain le mot « piste cyclable » et « vélo » dans votre projet de budget, les 600 pages. Nous n’avons pas trouvé « piste cyclable » ni dans les infrastructures de transport, ni dans le chapitre « mobilité durable intelligente », ni dans le tourisme, alors que l’utilisation du vélo, soit à vocation touristique ou pratique, déplacements quotidiens domicile/travail est en pleine expansion. Il nous semble qu’il manque là une ambition régionale par rapport à ce mode de transport. Alors que d’une part, la France est en train de bouger, et d’autre part, il y a un potentiel considérable comme le prouve un certain nombre de pays, le Danemark, les Pays- Bas, l’Allemagne.

Monsieur le Président, notre groupe se retrouve dans un certain nombre de piliers, de chapitres de votre budget. Je pense au développement économique ou à l’action de la Région dans les lycées. Nous sommes depuis longtemps en désaccord profond en matière d’infrastructures et transport. Nous vous proposons un amendement de rééquilibre sur la route. Prenez-le. Au nom de quoi, vous ne le feriez pas. Si par malheur, il était repoussé, les rapports de force étant ce qu’ils sont, eh bien, notre désaccord serait clairement confirmé. Ce désaccord sera clairement aussi une des causes de notre vote contre à votre budget 2022.