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Tribune d'expression des groupes politiques de la Région Nouvelle-Aquitaine

Compte administratif : « Allons plus loin pour mieux évaluer les dépenses environnementales »

La séance plénière des 21 et 22 juin 2022 était l’occasion pour les conseillers régionaux de Nouvelle-Aquitaine de débattre du compte administratif 2021.

Christian Devèze, membre de la commission des Finances, est intervenu pour commenter les ratios financiers, regretter que la Région n’ait pas davantage profité du Plan de Relance pour investir davantage et rappeler que notre groupe défendait l’idée d’un « budget vert » au sein de la collectivité.


Retrouvez l’intégralité de l’intervention de Christian Devèze en séance (seul le prononcé fait foi) :

Monsieur le Président, mes chers collègues,

Pascale REQUENNA est intervenue tout à l’heure sur la stratégie globale et la situation financière de notre collectivité. Je n’y reviendrai pas même si je trouve également qu’un pilotage budgétaire axé uniquement sur le respect impératif de certains ratios peut paraître peu opportun dans la situation actuelle qui réclame sans doute un peu d’anticipation et d’initiative. Pour autant, je n’oublie pas, Monsieur le Président, l’importance d’une bonne gestion financière, notamment au regard de la notation de notre collectivité. Martine PINVILLE l’a souligné à raison et le double A décerné par l’agence Flitch il y a quelques jours vous permet logiquement de vous enorgueillir dans la presse régionale d’avoir obtenu la meilleure note décernée par cette agence. C’est certes un élément bonifiant à l’heure de recourir à l’emprunt, mais il ne faut uniquement que cela réduise la volonté d’action et d’intervention de la Région en cette période de crise ; crise qui glisse du sanitaire à l’économique avec une inflation qui progresse fortement et qui va nécessiter d’adapter la politique de nos collectivités. Nous aurons, je présume, l’occasion d’en débattre lors de prochaines séances, et notamment lors du débat d’orientations budgétaires.

Mais revenons au sujet : le compte administratif. Je ne vous cache pas, Monsieur le Président – pour développer un petit peu plus le propos de Pascale – que je suis toujours très surpris du calendrier budgétaire. Je l’ai, je crois, déjà souligné : nous nous retrouvons aujourd’hui pour constater les résultats de la gestion 2021, certes d’un point de vue financier, mais aussi pour apprécier la traduction en matière de politique régionale. Sandrine DERVILLE nous a rappelé les sections de fonctionnement et d’investissement qui vont dégager un résultat excédentaire d’un peu plus de 202 millions d’euros. Ces résultats sont pour le moins conséquents, certes. Et même nous qui les validons aujourd’hui devrons attendre 4 mois – octobre 2022 – pour les utiliser au travers du budget supplémentaire 2022, soit 3 mois avant la fin de l’exercice budgétaire : mécaniquement, une incapacité de la Région à pouvoir utiliser en tout cas la totalité de cette manne financière en 2022 sur une si courte période, laquelle va donc dormir jusqu’en 2023. Si on la met en perspective avec le besoin de renforcement de certaines politiques régionales, à commencer par l’aménagement du territoire et des politiques contractuelles avec d’autres collectivités, c’est fort regrettable.

Sans vouloir vous demander de mettre en place le calendrier budgétaire que je qualifierais d’idéal – à savoir, dans cet ordre, votre décompte de gestion et compte administratif de l’année n-1, affectation du résultat n-1 puis vote du budget primitif de l’année n afin d’intégrer immédiatement les résultats ainsi affectés – qui présente certainement des surcharges de travail pour les services de la Région tels qu’ils sont organisés actuellement, et peut-être également de l’agent comptable, mais cela permettrait en tout cas de faire l’économie de devoir préparer un budget supplémentaire lui-même générateur d’une charge de travail importante, en tout cas quand il est significatif, dont on pourrait ainsi se passer ; sans vouloir donc vous demander de mettre en place un tel calendrier, je trouverais alors opportun – et je pense que je ne suis pas le seul dans cette Assemblée – que le vote du budget supplémentaire intervienne plus tôt dans l’année.

En outre, et probablement par déformation professionnelle, je suis plutôt fervent défenseur de la modernisation des techniques budgétaires et comptables. C’est à titre que je réitère une proposition, celle que j’avais avancée en février dernier, à savoir la mise en place d’un budget vert. Mon idée, bien qu’alors éconduite, semble pourtant avoir fait son chemin : j’ai appris en effet que lors de la dernière Commission environnement a été évoquée l’idée de mettre en exergue dans les budgets les éléments Néo Terra. Je ne peux que me féliciter de cette évolution que j’appelais de mes vœux, mais je trouverais pertinent d’aller jusqu’au bout de la démarche et de mettre en place un budget vert comme vient de le faire la Bretagne cette année, après la Région Occitanie qui, sous l’impulsion de la – j’ai retenu – courageuse et talentueuse Carole DELGA, fut la première Région de France à l’adopter dès 2021. Cette démarche semble donc présenter un réel intérêt puisqu’outre les Régions, de grosses collectivités l’adoptent également.

Pour poursuivre avec des éléments du rapport de présentation, il est indiqué page 5 que la variation du fonds de roulement a été positive de 42,8 millions d’euros en 2021 ; elle l’avait été également à hauteur de 11,8 millions en 2020. Je me suis interrogé sur la signification de cette information. A priori, cela veut dire que la Région a mobilisé plus de recettes d’investissement sous toutes les formes, et que les dépenses d’investissement effectuées sont peut-être moindres. On a en quelque sorte sur-mobilisé des ressources – c’est une question que je pose – alors que cela n’était pas forcément nécessaire.

Je rejoins le propos de Guillaume GUÉRIN antérieurement : cette sur-mobilisation est-elle imputable à un niveau d’emprunt souscrit trop important ?

Pour valider cette conclusion, encore faudrait-il connaître le niveau précis du fonds de roulement et non pas, c’est vrai, simplement la variation de ce dernier. Cette information serait très intéressante, car elle nous permettrait d’avoir une vision globale sur le financement des investissements de la Région et non pas du seul impact de l’année dernière. L’analyse du bilan par grandes masses, présentée en page 32, pourrait permettre de déterminer le fonds de roulement, mais vous savez que pour ce faire, il convient de procéder en nombre de retraitements. Or, l’examen des comptes de régularisation en pied de bilan fait apparaître des montants très conséquents, et notamment au passif, une somme de 92 millions, qui plus est en négatif. J’avoue, comme je l’ai souligné jeudi en Commission, que je ne comprends pas la nature et le montant négatif de cette somme importante placée au passif. Doit-on conclure qu’il s’agit d’un passif soustractif bonifiant ? Votre réponse nous permettra de mieux comprendre le caractère pérenne de la trésorerie de la Région qui en découle, à hauteur d’un montant important de 217 millions d’euros fin 2021.

Autre point qui peut paraître technique au premier abord mais qui structure à 80 voire 90 % le budget de la Région : la gestion pluriannuelle. Je ne vais pas revenir sur les aspects techniques et budgétaires des autorisations de programme ou des autorisations d’engagement. Non, mon propos portera plutôt sur les masses que cela représente.

Dans le rapport de présentation, pages 29 à 31, vous évoquez la pluriannualité. En 3 pages à peine, on traite – si j’étais critique, je dirais plutôt « on évacue » – quelque 6 milliards d’euros de dépenses programmées. 5 919 000 000, pour être très précis. Bien que m’étant penché avec soin sur le détail des autorisations, il n’est pas facile de comprendre pourquoi d’anciennes, voire très anciennes autorisations figurent toujours dans ce que j’appellerais le stock. Sont-elles encore justifiées ? Les explications fournies dans le rapport ne paraissent pas correspondre aux seules AP 2015 constituées avant la fusion, ni même les PPI lissés 2018 à 2021. On retrouve des AP beaucoup plus anciennes, y compris sur les lycées, mais aussi sur les développements économiques. Ces vieilles AP traduisent la non-réalisation de dépenses. Cela peut-il interroger aussi la capacité des services à mettre en œuvre les enveloppes votées ? Auquel cas, ces enveloppes sont-elles trop volontaristes ? Afficher n’est pas agir, disiez-vous, Monsieur le Président. Je m’accorde sur ce propos.

Mais ce qui m’a le plus étonné, c’est l’ampleur des annulations d’autorisations. Ce n’est pas 50 millions, ce n’est pas 100 millions, ce n’est pas 200 millions, mais ce sont bien 544 millions d’AP et d’AE qui sont annulées en 2021, rayées d’un trait de plume sans que l’on ait la moindre explication sur la raison de ces annulations. Elles peuvent se justifier par de la caducité, comme le règlement budgétaire et financier le prévoit ; je le conçois. Mais d’autres raisons pourraient probablement être avancées : sur-calibrage des AP et des AE au moment du vote, voire des AP et des AE qui ne correspondent pas aux besoins des acteurs locaux, ou bien encore des AP ou des AE non consommées par manque d’informations des acteurs locaux qui pourraient en bénéficier. Or, nous n’avons aucune analyse, même pas des grandes masses nous présentant les motifs d’annulation de ces AP/AE. Notre Assemblée aurait besoin de disposer de cette information afin de mieux appréhender la qualité de la gestion pluriannuelle.

Pour en finir, j’aimerais, Monsieur le Président, revenir sur les taux de réalisation de certaines politiques ; taux de réalisation certes rares, mais étonnamment faibles et pour lesquels je suppose que vous pourrez m’apporter un éclairage. J’ai été frappé ainsi de constater – je crois que cela a été déjà relevé – qu’au sein du pilier 4 (transition énergétique et écologique), le taux de réalisation en fonctionnement de l’action 4.4 (transition écologique et adaptation au changement climatique) n’est que de 66,13 %. Certes, ce n’est pas l’action la plus importante de ce pilier et je vous sais gré que le taux de réalisation global du pilier – je l’ai bien retenu – en fonctionnement est de l’ordre de 98 %. Ce pilier est un pilier présenté comme prioritaire. Cela a poussé ma curiosité à voir comment notre Région se situait par rapport à d’autres, à l’Occitanie voisine en particulier. Et là, sur la base des chiffres 2020 de l’Observatoire des politiques régionales de Régions de France, j’ai pu constater que même si notre Région se targue d’être volontariste dans la compétence environnementale, elle se situe toujours derrière l’Occitanie. Cette dernière a en effet dépensé en 2020, globalement, en fonctionnement et en investissement, 12 euros par habitant, alors que pour la même année, nous n’étions qu’à 9 euros par habitant, soit un quart de moins.

Autre politique qui me pousse à vous demander des éclairages : il s’agit de la formation professionnelle continue. À l’investissement, le taux de réalisation n’est que de 63,80 % contre 80 en fonctionnement. J’ai constaté que les taux de réalisation étaient également faibles en 2019. Comment expliquez-vous cette situation ? Est-ce une raison structurelle que je ne maîtrise pas liée à ce secteur ? Est-ce un surdimensionnement des budgets ? Je n’en sais trop rien.

Dans la même veine, je m’interroge sur les taux de réalisation faibles et en baisse dans la section de fonctionnement sur l’apprentissage : 73,57 % contre 80,70 en 2020. Et sur les politiques contractuelles auxquelles mon groupe est pourtant très attaché, 72,51 % contre 80,87 %.

Je vous remercie pour les précisions que vous pouvez apporter concernant ces derniers éléments, car ils peuvent traduire un rythme insuffisant dans la mise en œuvre, mais aussi une faiblesse relative de la priorisation de ces politiques dans les priorités régionales. C’est à l’aune de vos réponses que l’on pourra porter un jugement, celui-là plus précis, de la politique régionale.

Voilà Monsieur le Président, mes chers collègues. Je ne vais pas être plus long, je vous remercie de votre attention.