Agriculture biologique : « Attention à ne pas précariser davantage les agriculteurs »
Intervenant sur un vaste plan de soutien à l’agriculture biologique, Pascale Requenna a apporté son soutien aux agriculteurs bio frappés par la crise de la filière tout en appelant à être lucides sur la baisse durable de la demande pour ne pas fragiliser davantage des agriculteurs.
En effet, les ambitions régionales en matière de conversion demeurent très élevées alors que, depuis 2021, les produits bio se vendent de moins en moins. Beaucoup d’agriculteurs doivent d’ailleurs « déclasser » leurs produits et les vendre moins cher, ce qui ne leur permet pas de compenser les surcoûts liés à ce mode de production. L’élue a donc appelé l’exécutif régional à être vigilant sur ce point et à soutenir par ailleurs d’autres formes d’agro-écologie.
Retrouvez l’intégralité de l’intervention de Pascale Requenna en séance (seul le prononcé fait foi) :
Monsieur le Président, mes chers collègues, quelques mots sur ce plan
de soutien sans précédent qui, effectivement, s’inscrit dans un contexte de crise inédit. Une
crise qui est, d’abord, une crise de la demande, puisque la baisse des ventes en bio se
poursuit inlassablement depuis 2021. Cette année moins 7,4 % dans les supermarchés,
moins 12 % dans les enseignes spécialisées. Et on imagine que 2023, eu égard au contexte
inflationniste, ne sera guère meilleure. Donc, on se retrouve aujourd’hui dans une situation
un peu complexe, à savoir, d’un côté, un objectif dans le PSN de 18 % de SAU en bio en
2027. Et, de l’autre, une demande en baisse constante avec, bien sûr, le risque majeur de
précarisation, encore plus, et de perte de revenus pour nos agriculteurs. Parce que, bien
évidemment, c’est sur eux que se répercute cette crise.
Pour exemple, cette année, le phénomène de déclassement, c’est-à-dire le phénomène qui
consiste à vendre à des prix des produits bio comme du conventionnel, pourrait atteindre
43 %. Un litre de lait bio sur trois est vendu au prix du conventionnel. Ce qui amène un
manque à gagner important pour les agriculteurs en bio, dont les modes de production
induisent de nombreux coûts et qui, de fait, conduit à des baisses de revenus importantes.
Et, encore une fois, à une grande précarisation. Cette difficulté, elle n’est pas éludée dans le
rapport puisque le premier axe propose de développer la promotion de la consommation en
bio. Nous craignons que cela ne soit pas suffisant tant, aujourd’hui, le facteur prix est
important dans l’acte d’achat.
Si cet effondrement du bio venait à être, non pas conjoncturel mais structurel, nous devrions
Conseil Régional de la Nouvelle-Aquitaine – Séance plénière des 12 et 13 juin 2023 190/345
aussi être en mesure d’en tirer des conséquences, à savoir un soutien, bien sûr, important et
accru aux exploitations déjà certifiées. Mais nous devrions nous interroger sur les incitations
à la conversion, qui ont d’ailleurs baissé de 40 % en 2022, tant que la demande n’aura pas
rebondi.
En tant que responsable politique, je crois qu’il ne nous faut pas être fatalistes, mais il faut
tout de même être réaliste et garder bien à l’esprit l’enjeu majeur des politiques agricoles qui
est de nourrir les hommes et de permettre aux agriculteurs de vivre décemment du fruit de
leur travail. Alors, à ce sujet, dans la délibération, nous avons beaucoup de chiffres sur le
nombre d’exploitations, sur la localisation géographique, sur le type d’exploitations. Mais
nous n’avons rien sur l’économie, la viabilité économique et sur les revenus des agriculteurs.
Ce que nous déplorons puisque ce manque de viabilité financière devrait être un élément qui
conduit également la mise en œuvre de nos politiques publiques. D’ailleurs, l’un des piliers
du développement durable est le pilier social. Donc, veillons à ne pas fragiliser davantage
une profession déjà en difficulté sans prendre un ensemble d’éléments en compte pour
apporter notre soutien.
Alors, bien sûr, vous voyez là où je veux arriver. L’agriculture biologique, fondamentale, n’est
pour autant pas l’alpha et l’oméga de l’agriculture, ni même de l’agroécologie et,
contrairement à d’autres, dans cet hémicycle, nous pensons que le développement du HVE
a toute sa place. Et, de manière générale, que toutes les agricultures qui permettent de
concilier un haut niveau de rendement avec la préservation de l’environnement, de la santé
de nos agriculteurs et de leurs revenus doivent être interrogées. Alors, bien sûr, Monsieur le
Président, nous allons soutenir cette délibération et la voter. Ce pacte d’ambition régionale
car la filière a besoin de notre soutien plein et entier, mais nous demeurons attentifs aux
points de vigilance que je viens d’évoquer. Monsieur le Président, mes chers collègues, je
vous remercie.