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Tribune d'expression des groupes politiques de la Région Nouvelle-Aquitaine

« En 2023, les grands perdants de ce budget seront les territoires »

En guise de propos introductifs à la séance plénière, Fabien Robert est intervenu pour regretter le manque de moyens alloués aux territoires, qu’ils soient ruraux ou de la politique de la ville.  

Le Président du groupe Centre et Indépendants a souligné les difficultés auxquelles font face aujourd’hui les maires en l’absence d’une réelle politique d’aménagement des territoires. Il a également souligné la nécessité d’instaurer un groupe de travail sur la question de la crise viticole.


Retrouvez l’intégralité de l’intervention de Fabien ROBERT (seul le prononcé fait foi) :

Monsieur le Président, mes chers collègues, effectivement je prends la parole et je vous remercie pour les mots que vous avez eus pour le Docteur Paul CHOLLET qui,  évidemment, était issu des rangs de notre famille politique. Je prends la parole au nom d’un Groupe endeuillé par sa disparition, compte tenu de ce qu’il a représenté évidemment humainement, pour son territoire, pour le réveil d’Agen. Je m’associe évidemment aux mots que vous avez pu avoir, au nom de notre Groupe, mais plus généralement de tous ses amis, des Agenais, du Lot-et-Garonne, de notre ami et collègue Jean ici présent.


Cette séance, Monsieur le Président, c’est la plus importante de l’année, parce que nous
examinons le budget et, en réalité, je crois qu’en politique, les mots sont importants, mais les actes aussi : il est fondamental que le faire aille avec le dire. Le budget n’est pas simplement une somme de sommes, des projets alignés les uns à côté des autres, pour lesquels nous pouvons par ailleurs voter dans d’autres séances, lors de commissions permanentes ou plénières et exprimer parfois un avis positif. Non, le budget c’est autre chose, c’est la traduction d’une vision concrète, chiffrée, pour notre région. Nous avons d’abord une appréciation de la santé financière de la collectivité et mon collègue, Christian DEVEZE, y reviendra lors du vote du budget. Nous pouvons aussi comparer le poids des politiques publiques les unes par rapport aux autres. Ce que nous ne pouvons pas faire quand nous votons des textes individuellement, et nous en approuvons un certain nombre.


Enfin, je le disais en introduction, d’une certaine manière, si les actes vont avec les paroles
c’est un peu l’heure de vérité. Ce budget s’inscrit dans un contexte que je qualifierai avec trois mots très simples : raréfaction, transition, refondation. Il n’a pas été facile à préparer, Monsieur le Président, vous l’avez dit. Nous vous croyons sans difficulté, d’autant plus que nous sommes des élus locaux qui avons eu d’autres difficultés, beaucoup plus grandes, pour le préparer. Tous les chiffres montrent que l’impact, notamment sur le bloc communal, est infiniment plus fort que l’impact des crises sur la région. Les chiffres le prouvent, la part des fluides, la part des bâtiments, tout ceci montre bien que le bloc communal est sous tension. Les crises, ce sont aussi des opportunités et c’est souvent l’occasion de refonder et de tout changer. C’est la raison pour laquelle j’ai ouvert le document du budget avec la joie des commencements. Je l’ai refermé avec un sentiment d’habitude, de routine même pour être tout à fait honnête. Dès les premières pages, le ton est donné, comme dans les budgets précédents, mais cette fois avec un poids beaucoup plus fort. C’est la diatribe contre l’État. Je crois que nous n’avons jamais lu — mes collègues qui sont là depuis plus longtemps le disent — une diatribe aussi puissante, aussi forte, et excessive. Je vais y revenir.

Deux remarques sur le texte me choquent particulièrement. D’abord, vous semblez critiquer la fin conjoncturelle du quoi qu’il en coûte. Alors je suis surpris parce qu’à l’époque, vous adressiez des notifications de subvention de l’État, en oubliant que c’était l’État qui payait. C’était pendant la campagne régionale. Je crois que le quoi qu’il en coûte a joué un rôle déterminant. Personne ne peut nier que sans ce volontarisme de l’État, les finances publiques et l’économie seraient dans un état autrement plus catastrophique. Et puis, au firmament de la mauvaise foi tout de même, cette phrase : « l’État multiplie les appels à projets qui ne peuvent aboutir que si la Région les abonde ». On aurait pu le reformuler « la Région Nouvelle-Aquitaine n’aurait pas eu autant de crédits à redéployer dans ses contrats de territoire, sans la participation de l’état avec le CPER et de l’Europe. »

C’est une autre manière de présenter les choses, qu’évidemment, vous passez systématiquement sous silence. C’est cette posture à l’égard de l’État qui est insupportable. On évolue entre la terreur du retrait de l’État et celle du retour de l’État, mais quand allons-nous enfin dépasser cette posture adolescente ? Cela n’a pas de sens, nous le répétons ici sans cesse et nous allons continuer de le répéter. Surtout que parallèlement, nous votons des partenariats avec le service pénitentiaire pour la délivrance des BAFA, par exemple, au moins pour l’École de la Deuxième Chance. Donc, en même temps, nous montrons la réussite du partenariat avec l’État.
Je suis un profond décentralisateur, Président, mais je sais dire aussi que la décentralisation a été réactive pendant la crise. D’autres pays qui avaient territorialisé, par exemple, la compétence de santé ont eu beaucoup plus de mal à réagir au début de la crise. Souvenez-vous. Je ne donne aucun nom de pays. Tout le monde se rappelle des difficultés quand la santé était une compétence étatique. Autre exemple de politique fictive évidemment, si une région était en mauvaise santé financière, le Poitou-Charentes au hasard, est-ce qu’elle aurait pu réagir aussi massivement que l’a fait l’État et est-ce qu’elle aurait eu la même crédibilité auprès des banques ? J’en doute. Donc, il faut savoir reconnaître ce que fait l’État.
Cela a été dit et je ne le répéterai pas, mais sur le RER métropolitain, quel manque de justesse et d’élégance ! Cela fait 10 ans qu’on y travaille, non Président. Cela fait 10 ans qu’on en parle, quelques années qu’on y travaille et que le projet s’accélère. Pourquoi ? Un GPSO – et un GPSO, c’est six ans de retard, parce que vous n’avez pu mener ce projet de par votre alliance. Enfin, ce sont les annonces d’Emmanuel MACRON qui doivent encourager le RER.

Reconnaître les efforts de l’État, même de temps en temps, cela n’affaiblirait pas votre propos, Monsieur le Président. Au contraire, je crois que cela lui apporterait justesse et crédibilité, ce qui manque cruellement et le transforme en posture.
Je ne vais pas y revenir, mais la santé financière est bonne, on va vous le démontrer. Vous pouvez difficilement le nier, malgré le propos introductif du budget. Il y a la TVA qui est extrêmement dynamique ; il y a la prudence excessive de laquelle vous faites preuve tout au long de ce document.

Et c’est précisément cette bonne santé qui m’amène au cœur de mon intervention. Cette bonne santé financière aurait dû vous amener à soutenir plus fortement les territoires qui eux sont durement impactés par la crise. Les territoires sont les grands perdants de ce budget. Par
 exemple, sur la ruralité ou la politique de la Ville, qui sont deux programmes de crédits en baisse ma collègue Pascale REQUENNA y reviendra —, nous présentons des amendements pour rétablir les crédits auprès des territoires dans ces deux politiques-là.


Et là, nous sommes au cœur d’un terrible paradoxe, Président : n’y a-t-il pas un paradoxe à signer une contribution qui s’intitule « Décoloniser la Province à Paris » et à consacrer 2 % de son budget ici à la politique contractuelle ?
Alors oui, je vous ai lu assez attentivement, Président, parce que j’avais beaucoup d’affection pour Michel ROCARD dont vous vous servez pour étriller l’État, en oubliant peut-être de dire qu’il a inventé les contrats de Plan État Région (CPER) qui sont quand même un magnifique exemple de collaboration entre l’État et les Régions. Je me permets une petite parenthèse sur le terme que vous utilisez ici régulièrement de « décoloniser » la Province. Je crois que « décoloniser » a un sens lexical, il a aussi une résonance historique. En 1966, nous n’avions pas le recul historique que nous avons aujourd’hui. Ce mot me gêne, parce qu’il fait appel à l’histoire de France, parce qu’il croise les histoires personnelles, les difficultés et les drames. Je pense que vous devriez utiliser un autre mot. Plus de 50 ans après, ce mot n’a pas la même résonance aujourd’hui et je crois qu’il n’est pas adapté au contexte. Tout ne se vaut pas aujourd’hui, malgré l’époque que nous vivons. Je ne vous accuse pas de banaliser ce phénomène, loin de là, mais je pense que le mot, je le répète, n’est plus le bon dans l’époque que nous vivons.
Il y a donc ce paradoxe, décoloniser et consacrer 2 % du budget. Les contrats que nous allons voter aujourd’hui sont terribles : il y a jusqu’à trois quarts des actions qui ne sont pas chiffrées. Zéro euro mentionné par ligne. Alors, on va nous dire que les collectivités sont en difficulté, qu’elles ont du mal à investir et à produire, oui c’est précisément ce que j’essaie de vous dire aujourd’hui. Et on compte les crédits de l’État, les CPER : bref, dans ces 2 %, le compte n’y est vraiment pas et vous critiquez régulièrement le déclassement des territoires en semblant oublier que vous avez votre part significative de responsabilité depuis de
nombreuses années. L’État a réagi récemment. Sur le programme « Petites Villes de demain », vous les critiquez, alors que c’est un succès et que les choses fonctionnent bien. 198 communes dans notre région sont concernées. La revitalisation des centres-villes et des centres-bourgs, pareil, est évaluée et considérée comme positive, et tout ceci est totalement passé sous silence.

C’est le paradoxe néo-aquitain, Président. Et on peut le relever tout au long de ce document : n’y a-t-il pas un paradoxe à déployer l’ingénierie, les moyens financiers, la prise de risque, pour accueillir un site de dirigeables, le plus grand du monde, et nous l’avons soutenu, mais pendant ce temps-là, le fret ferroviaire entre la Pointe du Verdon et Bordeaux est planté définitivement. Parce que les élus, ils vous l’ont d’ailleurs écrit, ont appris que la caténaire ne serait pas rénovée et cette ligne tant attendue pour les passagers et pour le fret pose problème depuis des années. Comprenez-moi bien, le projet de dirigeables est souhaitable, mais la part consacrée à l’attractivité par rapport à celle que vous consacrez à l’aménagement du territoire est terriblement déséquilibrée.

N’est-il pas paradoxal d’investir dans la ligne Pau-Canfranc, quand Blaye est la dernière préfecture de Gironde non reliée par train à la capitale régionale ?

N’y a-t-il pas un paradoxe à nous proposer un plan zéro plastique qui s’est construit sans lien réel avec les EPCI qui ont la compétence sur le traitement des déchets ? Je remercie le conseiller délégué, venu vers nous lors d’une réunion, mais nous vous demandons le retrait de ce plan, Président. Il n’est pas à la hauteur des enjeux. Le sujet est sérieux, il faut travailler avec les EPCI, avant de proposer un plan.

N’y a-t-il pas un paradoxe à critiquer la lourdeur de l’État, quand 385 dossiers sont en attente au Pôle développement économique à l’heure où nous parlons ? N’y a-t-il pas un paradoxe à expliquer qu’il ne faut plus tout attendre de l’État, quand dans le même temps vous critiquez la fin du quoi qu’il en coûte ou, tout simplement, réclamez des aides pour lutter contre la crise qui touche les collectivités ? N’y a-t-il pas un paradoxe à accuser l’État d’entretenir le mille-feuille illisible et à plaider pour une simplification, je suis d’accord, et dans le même temps à avoir inventé 51 territoires pour la contractualisation qui ne correspondent pas aux bassins de vie et n’ont pas la lisibilité pour nos concitoyens ?

N’y a-t-il pas un paradoxe à critiquer vertement l’État qui dilapiderait les finances publiques, en entretenant une décentralisation inachevée, quand vous appartenez à une famille politique, et c’est dans ce cadre-là que vous contribuez d’ailleurs, Président, qui défendait un projet qui alourdissait de 250 millions d’euros les dépenses publiques, il y a moins d’un an du dernier renouvellement législatif ? 250 millions d’euros, SMIC à 1 500 euros, blocage des prix : pas un mot, Président, pour dire que ce n’était tout simplement pas réalisable. Je ne vous accuse pas de croire en ces réformes-là. Je regrette que la Région ne se soit pas prononcée à ce moment-là. En tout cas, l’économie française serait dans un état catastrophique, si ce programme était passé. Peut-être que vous devriez avoir l’humilité de le rappeler.


Et puis enfin, Président, vous allez même un peu plus loin, puisque vous dîtes qu’au fond, cette alliance de la gauche montre à quel point les mentalités sont mûres pour une nouvelle réforme de la décentralisation. Alors là, ça m’avait échappé ! Je dois vous avouer que le fait que le leader de la NUPES soit un grand décentralisateur, c’est-à-dire quelqu’un qui aurait partagé le pouvoir avec les collectivités, qui aurait respecté la séparation des pouvoirs et qui ,aurait mis fin à l’hyper-présidentialisation, je vous avoue que ça m’avait échappé, mais peut-être que, vous, vous y voyez un lien.

Enfin, n’y a-t-il pas un paradoxe à vouloir lutter contre par exemple les classes surchargées dans les lycées — vous l’avez fait en conférence de presse — et à ne pas
répondre à des demandes prégnantes dans ce département ? Notamment, la demande pour
les communes de Martignas, avec la saturation du lycée Fernand DAGUIN, et la commune de Mérignac et le fait de ne pas répondre à la demande de La Brède. À vos collègues communistes, vous avez dit ici : « on ne ferme pas de lycées ». C’est tout le problème. On n’en ouvre pas non plus ou pas assez, et c’est ce que nous dénonçons aujourd’hui, parce que précisément les demandes sont beaucoup plus importantes ! Mettre le paquet sur l’attractivité, sans rééquilibrer avec l’aménagement du territoire — cela vous fait sourire, mais je comprends que cela vous fasse sourire, parce que je le répète, nous avons eu, dans ce document, la force de l’habitude, la force de la routine —, c’est mettre d’abord en difficulté les maires, qui, aujourd’hui, tirent la sonnette d’alarme.


Je voudrais vous faire trois propositions.

D’abord, le foncier : nous avons déposé une motion, pour que nous accélérions sur la territorialisation, sur le chemin et sur la bonne méthode, pour respecter la loi Climat. Aujourd’hui, nous ne pouvons pas tenir raisonnablement les engagements qui ont été proposés, en tout cas, leur rythme.

Deuxièmement, l’avenir du vignoble bordelais : cela a été évoqué. Nous n’avons pas tout à fait la même analyse sur l’usage qui pourrait être fait des fonds européens. Alors c’est un débat. Nous vous demandons, Président, de réunir vos transpartisans sur cette question, ici à la Région, pour qu’on traite de cette question, en toute transparence, et qu’on voie de quelle manière la Région peut financièrement se mobiliser.

Enfin, la gestion de l’eau : oui, nous sommes d’accord avec beaucoup de propos entendus ici. Je le dis à mon collègue président du Groupe communiste : nous avons voté la motion sur l’eau qu’il a présentée, car elle est très proche de l’amendement que nous présentons nous-mêmes sur cette question-là sur le pacte alimentaire. Je pense, après avoir été dans les Deux-Sèvres, qu’il est nécessaire d’aller vers un portage public desn équipements et vers une vraie politique publique de l’eau. Il y a deux bassines qui ont été réalisées. La coopérative n’en fera pas 14 supplémentaires toute seule. Cela ne marchera pas si nous laissons les révoltes infondées et injustifiées se passer.

Alors, voilà, Monsieur le Président, tous ces paradoxes, c’est le budget qui les révèle, parce que nous voyons ce que représentent les politiques publiques les unes par rapport aux autres. Je vous le disais et vous le répète, les territoires sont perdants.

Alors, pour les paradoxes, il y a deux manières de faire : ou bien on vit avec, c’est un petit peu l’impression qu’on a là, ou bien on essaie de les résorber. Je regrette qu’ici il n’y ait absolument aucune volonté réelle de les résorber, avec, en plus, cette idée que la Région serait une collectivité qui serait beaucoup plus démocratique et plus en phase avec les territoires que l’État.  Souriez et riez, mais vous devriez regarder ce qui se passe du côté du Conseil national de la Refondation, Président. À quel moment, récemment, on a été devant les citoyens — pas les corps constitués — pour présenter une politique régionale et dire voilà, ça ne va pas. On peut tout revoir, on pose les téléphones et on discute. À quel moment on a fait ça ? Les maires le font tous les jours : conseils de quartier, réunions de concertation, etc. Je crois, mes chers collègues, que quand vous dîtes, Monsieur le Président, qu’être à portée de baffe est un pouvoir beaucoup plus important que les comités Théodule parisiens, permettez-moi de vous dire que nous sommes ici un peu loin de la baffe, pour avoir un véritable contre-pouvoir démocratique. Alors, prenez le chemin de ce contre-pouvoir, inspirez-vous là aussi de Michel ROCARD. Il avait fait un livre avec Alain JUPPÉ, vous savez, qui s’intitulait La politique telle qu’elle meurt de ne pas être : je crois, malheureusement, que nous vivons ici la politique telle qu’elle meut d’être.


Merci beaucoup